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Suspension de l’USAID par Donald Trump : Quelles conséquences sur la géopolitique de l’aide internationale ?

by Mustapha Maghriti

Et sans surprise, comme à son accoutumé et dès son retour à la présidence des États-Unis, le 20 Janvier 2025, Donald Trump signa un décret suspendant pour 90 jours l’ensemble des programmes de l’Agence des États-Unis pour le développement international United States Agency for International Development appelé communément sous l’acronyme USAID, le temps d’un réexamen complet afin d’évaluer sa conformité avec la politique qu’il entend mener, notamment contre les programmes favorisant l’avortement, la planification familiale ou encore prônant la diversité et l’inclusion.

Faut-il rappeler que le 3 Février 2025, Elon Musk, désigné à la tête du Département de l’efficacité gouvernementale Department of Government Efficiency DOGE, a déclaré la fermeture définitive de l’USAID, qu’il qualifie étrangement d’organisation criminelle et de « Nid de vipères marxistes ». Et le 10 Mars, le Secrétaire d’État Marco Rubio a indiqué la suppression de 83 % des programmes de l’USAID qui pèsent 0,6 % du budget fédéral ; l’aide globale (humanitaire et économique, hors armements) occupe 0,25 % du PIB représentant une part conséquente de l’aide humanitaire mondiale. Les 17 % restants étant transférés sous la tutelle du Département d’État.

Cette décision a suscité choc et émoi dans les milieux humanitaires et au sein de l’USAID, une agence indépendante fondée en 1961 sous l’administration Kennedy, était un pilier de l’aide internationale durant la période de la Guerre froide afin contrer l’influence soviétique à l’étranger à travers des aides internationales.

L’USAID gérait, jusqu’à présent, un budget annuel de 42,8 milliards de dollars en 2023, 35 milliards de dollars en 2024, soit 42 % de l’aide humanitaire déboursée mondialement en finançant des projets dans 158 pays et fournissant jusqu’à 50 % de l’aide humanitaire totale pour certains d’entre eux.

La dissolution de l’USAID a entraîné l’arrêt immédiat de milliers de projets vitaux à travers le monde : Plusieurs organisations à travers le monde affirment déjà subir les conséquences du gel de l’aide humanitaire américaine, que ce soit pour la lutte contre le sida en Afrique du Sud ou au Kenya, ou les soupes populaires au Soudan, pays ravagé par la guerre.

Au Cameroun, les programmes de vaccination contre le VIH/SIDA ont été suspendus, menaçant les progrès sanitaires réalisés ces dernières années. En République démocratique du Congo et au Népal, les initiatives de lutte contre la malnutrition ont cessé, aggravant l’insécurité alimentaire. Au Cambodge, les opérations de déminage ont été stoppées, exposant les populations rurales aux dangers des mines terrestres.

En Ukraine, l’assistance aux médias indépendants a été interrompue. Au Myanmar, des hôpitaux ont fermé, privant des milliers de personnes de soins.
Il s’agit d’un tournant historique dans la politique d’aide étrangère des États-Unis. Si l’ensemble des répercussions ne sont pas encore connues, cette décision touchera en premier lieux les populations vulnérables et elle constitue une menace dans le cadre de nombreux défis mondiaux, en déstabilisant de manière inédite l’écosystème de l’aide internationale.

« Sans une action urgente, sans financement, plus d’enfants vont souffrir de malnutrition. Moins auront accès à l’éducation, et les maladies évitables feront plus de victimes », a alerté l’agence de l’ONU pour les enfants UNICEF.

Déjà, le sommet international sur la malnutrition, organisé à Paris Jeudi 27 et Vendredi 28 Mars, a été l’occasion de donner un premier éclairage sur la catastrophe en cours. Alors que des milliers de programmes sont à l’arrêt, l’Unicef chiffre à au moins 14 Millions le nombre d’enfants victimes de malnutrition qui pourraient être privés de l’aide dont ils ont besoin en 2025. La revue « Nature » estime, dans une évaluation publiée Mercredi 26 mars, intitulé « The full lethal impact of massive cuts to international food aid » que la disparition de certains financements risque de provoquer la mort de 163.500 personnes par an.

Les Mêmes conséquences ravageuses pour l’aide seront subies aux populations déplacées : L’Organisation internationale pour les migrations et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés se retrouvent en grande partie paralysés, alors que la situation au Soudan, en Ukraine, en République démocratique du Congo ou au Bangladesh exige des réponses urgentes.

Aux côtés de l’Ukraine, le continent Africain est le premier bénéficiaire de l’USAID. Selon les chiffres communiqués par le site officiel, Foreign assistance pour l’année 2024, la République Démocratique du Congo RDC (1, 34 Milliard de dollars), l’Éthiopie (1, 2 Milliard de dollars), le Soudan (700 millions de dollars), le Nigeria (762 millions de dollars), le Kenya (629 millions de dollars), l’Ouganda (510 millions de dollars) et le Mozambique (586 millions de dollars) figurent parmi les premiers de la liste.

A cet égard, n’est-il pas paradoxal pour l’administration Trump de vouloir lutter contre l’immigration clandestine, tout en prenant de telles décisions ne font qu’accélérer le phénomène ? 

L’arrêt de l’aide américaine aux programmes de lutte contre la tuberculose met en danger des « millions de vies », a averti de son côté l’Organisation Mondiale de la Santé OMS à l’instar du Ghana, qui sera confrontés à d’éventuelles ruptures de stock de nourritures, qui pourraient entraîner une augmentation des maladies évitables, des décès maternels et une résurgence de virus comme le paludisme et la tuberculose. Sous cet angle, ne pas brider la maladie localement, n’est-ce-pas prendre le risque de pandémies globales, qui n’épargneront pas les Etats-Unis ?

En somme, Sous prétexte d’arrêter de dilapider l’argent du contribuable Américain et de réduire le gigantesque déficit public des Etats-Unis, les coupes budgétaires engendrées par la suppression de l’USAID mettront en péril les secteurs de la santé, l’éducation et l’agriculture, notamment en Afrique. Aussi, le retrait de la mobilisation internationale de l’USAID fragilisera certes la géopolitique de l’aide internationale, et les organisations non gouvernementales ONG qui en ont la charge.

En outre, l’abrogation des décrets de l’aide internationale de l’USAID ébranlera la dynamique économique et sociale nationale des pays Africains. Ces derniers doivent se préparer déjà aux conséquences de la nouvelle politique Américaine qui les acculera à travailler sur son autosuffisance.

La logique de la géopolitique de l’aide internationale ne se résume pas à la générosité, encore moins à la charité. Elle permet de limiter la déstabilisation de pays entiers touchés par la misère, la faim, la guerre et les déplacements de populations. Ne faut-il pas d’ores et déjà tirer les leçons d’un système d’aide au développement qui a été trop dépendant des Etats-Unis et de diversifier les modes de financement de l’aide internationale ?

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