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Le Nouveau Système Fiscal au Maroc à l’épreuve de l’Équité et la Démocratie : Quelques pistes de réflexion!!!

by Mustapha Maghriti

Tenues les 03 et 04 Mai 2019 à Skhirat, sous le thème « Équité fiscale », plus de deux chandelles après les 3éme Assises Nationales sur la Fiscalité marquées par l’annonce de l’argentier du Royaume relative à l’élaboration de la loi-cadre sur la fiscalité, cette dernière a enfin été adoptée il y a quelques jours lors du dernier Conseil des Ministres. Faut-il souligner que ce projet a pour dessein d’instituer une armature fiscale respectant les droits fondamentaux du contribuable tout en garantissant un meilleur financement des politiques publiques.

En outre, le projet ambitionne de mettre en place un système fiscal à fort tenue sociale à travers la cristallisation de la solidarité, pour le financement, en particulier des cordeaux sociaux de la protection sociale à l’instar de la couverture médicale, allocations familiales, réduction des inégalités sociales…..etc.

En sus, le nouveau système fiscal projette de refondre la fiscalité des collectivités territoriales à même de renflouer leurs ressources financières en synergie avec les dispositions régissant les impôts de l’Etat.

L’adoption de la loi-cadre sur la fiscalité intervient dans un contexte marqué par la crise sanitaire du Covid-19 engendrant une flambée du seuil d’endettement international (où le Trésor a levé 3 Milliards de dollars sur le marché Eurobond, la plus importante levée de son histoire soit un endettement extérieur de 60 Milliards de DH en 2020 contre 25 Milliards en 2019), une dette nationale qui effleure les 78% et un taux d’endettement intérieur élevé avec l’absence de recettes exceptionnelles.Aussi cette réforme s’inscrit dans le cadre des recommandations de la Commission spéciale lors des troisièmes Assises Nationales sur la Fiscalité qui a appelé à la mise en place d’un système fiscal plus équitable en élargissant de manière importante l’assiette fiscale à travers la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, la rationalisation des dépenses fiscales et l’intégration de l’économie informelle.

Nous pensons que l’Etat ne parviendra pas à une équité fiscale sans la mise en place d’une politique fiscale intégrée en parfaite coordination avec les autres formes de politiques économiques et sans l’édification d’une nouvelle génération de réformes fiscales marquées par le front, l’audace et l’innovation à travers la neutralité totale de la TVA, un IR applicable à tous dans l’équité et un IS qui évite les frottements fiscaux tout en inscrivant cette réforme fiscale dans le cadre de l’efficience, l’adhésion et la citoyenneté.  

Sur ce registre dans le discours, adressé à la Nation le 20 août 2014, à l’occasion du 61éme anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple,  le Souverain Marocain a appelé  » à renforcer le rôle stratégique de l’Etat en matière de régulation et d’organisation et d’engager avec audace les grandes réformes, notamment […] de fiscalité, tout en veillant à poursuivre l’application des règles de bonne gouvernance dans tous les secteurs »

Force est de constater que nous ne sommes pas encore dans une politique fiscale d’audace et de volontarisme économique ; l’Etat est toujours sclérosée dans une politique fiscale d’équilibrage budgétaire et de renflouement des recettes. Pour preuve : La structure des recettes fiscales montre une concentration fiscale sur la TVA, l’IR et l’IS ; 50% des recettes des trois principaux impôts (TVA, l’IR et l’IS) sont issues uniquement de 140 entreprises, les recettes de l’impôt sur le revenu demeurent concentrées sur les salariés qui représentent la classe moyenne, soit une part de 73% de l’IR salarial contre 5% de l’IR professionnel. 80% des recettes de l’IS émanent de 1% des entreprises, alors que 50% de la TVA proviennent seulement de 150 entreprises ce qui atteste du fardeau de la pression fiscale sur les salariés et un nombre limité des firmes.

Le projet de loi-cadre relatif à la réforme des établissements et entreprises publics (EPP) ne s’inscrit-il pas dans la quête à l’amélioration des recettes de l’Etat ?

Le volontarisme économique n’exige-t-il pas un effort d’accompagnement à la demande (réforme de la TVA) et l’instauration d’une fiscalité active au niveau de l’offre ?

Cependant, la tendance actuelle dans la fiscalité déverse plutôt vers l’élargissement de l’assiette fiscale et le renforcement du contrôle des dépenses fiscales comme en témoigne la volonté d’intégrer certaines professions libérales non imposables ou celles qui échappent au contrôle fiscal ; une situation qui traduit, nous semble-t-il, un tarissement des ressources de l’Etat qui recourt davantage à l’impôt sans innovation en matière de mobilisation des deniers de l’Etat, qui est la norme au niveau international et au niveau même de la Constitution de 2011.

Aussi,  dans le système fiscal actuel, certains secteurs continent de bénéficier des avantages fiscaux sans contrepartie, comme celui de l’immobilier et paradoxalement d’autres pâtissent de charges fiscales comme le tourisme grevé par 13 taxes et impôts. Aussi, le taux de l’IR atteint 38% et celui de l’IS 31% ce qui érode en conséquence le pouvoir d’achat et l’épargne des contribuables. 

Dans un tel contexte, la nouvelle réforme fiscale doit rectifier plusieurs dysfonctionnements au niveau du système fiscal, notamment en matière d’efficacité et d’équité ; des distorsions qui  brident la réalisation des ambitions du système fiscal et constituent une écluse à la redistribution du revenu, à l’amélioration de la capacité dudit système en termes d’inclusion sociale, car un système fiscal bien conçu n’est-il celui qui est capable de générer suffisamment des ressources intérieures au budget de l’Etat et de s’assurer de la durabilité des dépenses publiques sans créer des distorsions économiques ou de la richesse au sens de Laffer (1980) où « Trop d’impôt tue l’impôts » ?

La théorie économique ne stipule-t-elle pas que, la fiscalité ne cherche pas seulement à mobiliser des recettes intérieures, mais à remplir simultanément les trois fonctions de Musgrave (1959), à savoir : l’allocation, la distribution et la stabilisation ?

C’est un secret de polichinelle que depuis 1980, les pouvoirs publics marocains ne cessent d’entamer des réformes fiscales afin de conduire la politique fiscale vers une sphère équitable capable d’améliorer le tissu économique. L’objectif principal de ces réformes était d’évaser la base imposable dans le sens d’un recouvrement accru des recettes fiscales. Cependant, les résultats n’étaient pas probants.

Avec un budget foncièrement fiscal (80% des recettes fiscales), le système fiscal marocain souffre de certaines déficiences, principalement, le taux de la pression fiscale élevé qui pèse sur la classe moyenne et un nombre limité des entreprises marocaines. Ainsi, la hausse du taux d’imposition entrave les programmes d’action de l’Etat en matière de création d’emplois, de lutte contre les inégalités sociales et spatiales et d’amélioration de la cohésion sociale ce qui laisse augurer un sentiment d’injustice fiscale chez les contribuables dans la mesure où la relation de confiance entre l’administration fiscale et les contribuables assujetties est devenue équivoque.

Compte tenu de l’importance de la fiscalité comme levier de la dynamique économique et sociale, une apostrophe principale nous interpelle en guise d’épilogue : Dans quelle mesure pouvons-nous orienter le système fiscal Marocain vers une meilleure mobilisation des recettes fiscales, sans adultérer le principe de l’équité fiscale, car les effets de la fiscalité deviennent néfastes dans la mesure où ils créent des distorsions économiques et conduisent les contribuables vers un comportement de l’incivisme fiscal, la fraude et l’évasion fiscale et font naître des comportements indésirables principalement la corruption?

La volonté des sociétés à payer volontairement leurs impôts dépend de la perception selon laquelle les institutions Gouvernementales sont honnêtes, réactives, proactives et capables de créer un régime démocratique et d’un État de droit.

Dans une démocratie, les citoyens expriment leur confiance dans l’Etat en payant des impôts et ce dernier rétribue cette confiance par une politique de dépenses judicieuses. La réforme fiscale peut et doit aider à renforcer l’efficacité, l’équité  la légitimité et contribuer, de facto, à la démocratie.  

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