David Ricardo et Adam Smith sont souvent considérés comme les auteurs emblématiques de la géopolitique mondiale du libre échange à travers leurs fameuses théories des avantages comparatifs et absolus et s’ensuit la fameuse théorie Heckscher-Ohlin-Samuelson H.O.S qui, selon eux, le libre jeu des relations économiques internationales reconduit à une situation d’optimum économique et permet d’améliorer la situation de tous.
Avec ces conceptions libre-échangistes, la globalisation a été perçue comme une dynamique pacificatrice, équipollente de sécurisation des relations internationales. Les théories du commerce, mais aussi la pratique du commerce international entre pays riches et émergents jusque dans les années 1990 ont montré à ces pays que leur intérêt est de tisser de bonnes relations avec leurs partenaires pour ambitionner un processus d’enrichissement réciproque. Cette conception du commerce international comme force pacificatrice a avivé de nombreux accords commerciaux, régionaux et multilatéraux. Elle a notamment été promue par l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT, 1947) puis l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC, 1995), matérialisée par une baisse sans précédent des tarifs douaniers, et a entraîné la mondialisation des échanges.
La globalisation a été, depuis la fin de la guerre froide (12 Mars 1947 – 3 Décembre 1989), la célérité des dynamiques d’intégrations commerciales, financières, des investissements directs étrangers IDE et des chaînes de valeur mondiales, grâce à la dérégulation, déréglementation, et à l’ouverture des économies, mais aussi aux progrès dans l domaines des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ainsi que la fluidification des transports maritimes.
Qu’en est-il sur le marbre de la réalité économique de cette prédiction de la géopolitique internationale « égalitariste » que prophétisaient l’oracle du libéralisme Adam Smith et le nécromancien de la libéralisation des échanges mondiaux David Ricardo et les augures du libre échange Heckscher-Ohlin-Samuelson ?
D’emblée, on peut alléguer que sur le plan factuel, l’arène des relations économiques internationales montre ostensiblement
que les dividendes de la croissance économique mondiale sont arbitrairement redistribuées et qu’une inégalité configure la répartition de la richesse mondiale en atteste le dernier rapport accablant et coléreux d’OXFAM qui selon ses auteurs, depuis 2020, les cinq hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune et contrôlent la majeure partie de l’économie mondiale. Au cours de la même période, près de 5 Milliards de personnes se sont appauvries sans accès à l’eau potable, à des services de santé adéquats, à des logements décents ou à l’éducation pour les enfants.
En sus, 2 rapports assommants publiés en Janvier 2022, l’un de la Banque Mondiale, l’autre par le Forum de Davos, chacun un document “sur la stagnation de l’économie mondiale et des perspectives pessimistes pour 2022 où ils dressèrent un constat alarmant sur l’ascension des inégalités croissantes. Tous deux alertèrent sur un ralentissement de la reprise et les risques climatiques, dont les pays pauvres feront les frais.
Aussi, le monde est rencogné à une géopolitique mondiale atypique et des challenges économiques et environnementaux à l’instar d’une planète qui brûle, des conflits et guerres partout dans le monde et l’illusion que différents problèmes ont été solutionnés avec le concours du multilatéralisme édifié postérieurement à la seconde guerre mondiale.
Aujourd’hui, il est irrécusable que le morcellement géopolitique et la recrudescence en force du nationalisme souverainiste, légitimés par le dessein du contre-balancement des rapports de force économiques et politiques au niveau cosmique, préjudicient les acquis considérables que le multilatéralisme avait permis d’atteindre durant les trente glorieuses.
Certes, la géopolitique mondiale d’après guerre et surtout durant les années 80, engendrant une baisse des coûts de production et favorisant la promotion des échanges commerciaux, a contribué partiellement à une détente de l’inflation suite, notamment, aux augmentations des prix des carburants, d’autres produits d’importation essentiels comme les produits alimentaires et de l’énergie qui, aujourd’hui, partout dans le monde, consume le pouvoir d’achat des ménages en dépit du durcissement des politiques monétaires et la contorsion des finances publiques.
La globalisation a notoirement concouru à plâtrer les niveaux de vie, permettant à de larges franges de la population mondiale d’échapper à la pauvreté, mais qui, toutefois, elle a eu des effets collatéraux qui se sont traduits notamment par une exacerbation des disparités sociales où plus de 700 Millions de personnes sombrent dans l’extrême pauvreté avec moins de 2,15 Dollars par jour selon la Banque Mondiale, à cause de la crise sanitaire de la COVID19, de l’accroissement des inégalités mondiales et du choc de la hausse des prix alimentaires et de l’énergie, attisé par la guerre en Ukraine qui, à des degrés divers, sombre toute l’économie mondiale.
Cette razzia de l’Ukraine n’a pas manqué de tourmenter, non seulement le milieu du business et les instances syndicales, mais aussi les différents dirigeants internationaux, réunis au Forum Economique Mondial de Davos, et à leur tête le Fonds Monétaire international (FMI) dont la Patronne, Kristina Georgieva, et son adjointe, Gita Gopinath, n’ont pas manqué, de s’interroger, sur la manière de brider ce qu’on appelle la fragmentation géoéconomique à travers l’isolationnisme retrouvé de Donald Trump à peine révisé par son successeur, les régressions maoïsantes de Xi Jinping et le nationalisme néostalinien de Vladimir Poutine.
L’invasion de l’Ukraine et bien avant, la pandémie du Covid19 engageraient les relations économiques internationales vers une grande névrose des systèmes productif et financier, rendant les chaînes d’approvisionnement de plus en plus vulnérables comme en témoigne les auteurs de l’Organisation Mondiale du Commerce OMC( le vaisseau amiral du multilatéralisme économique, l’OMC, qui traverse ce qu’il est convenu d’appeler une polycrise institutionnelle), pour qui, la pandémie du Covid19, a crûment exposé les précarités des chaînes de production, ainsi que les répercussions géopolitiques sur les échanges commerciaux en mer Rouge des navires par les HOUTIS du Yémen qui a eu des rebondissements sérieux à travers l’agitation du commerce mondial, la grimpée des tarifs de fret maritime entre l’Asie et l’Europe, ce qui a contraint les entreprises de l’Export et Import à se contorsionner du détroit de Bab Al-Mandab considéré comme une » autoroute de la mer » raccordant la Méditerranée à l’océan Indien , et donc l’Europe à l’Asie rendant paralytique les échanges commerciaux par lequel transite plus de 40 % de commerce mondial.
Sous cet angle, les tumultes économiques, sociaux et politiques observés cette dernière décade apostrophent indéniablement à une refonte des instances et des principes régentant le multilatéralisme, nonobstant les des règles de base de ce dernier doivent être cristallisées. Sans contredit, ces entités multilatérales demeurent incontournables pour assurer la conciliation et la stabilité mondiales et d’exhorter les dirigeants aux meilleures synergies à même à relever les challenges communs auxquels font face notre planète et notre géniture.
On s’en souvient, durant la pandémie de Covid19, les institutions de Brettons Woods (le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale), avec le concours des autres organismes internationaux (OMS, FAO…) constituant les pivots du système multilatéral mondial, ont fait preuve d’une grande proactivité. Leur appui aux efforts de nombreux pays membres a ainsi été crucial pour atténuer l’impact économique et social de la pandémie.
D’antan et depuis sa création en 1971, les ultralibéraux de DAVOS faisaient éloge d’une libre circulation des marchandises et des capitaux, une intégration des chaînes de production à l’échelle mondiale, et de la technologie pour le bien commun, mais, hélas, autant en emporte le vent, une telle libéralisation tous azimuts s’est heurté à des cloisons géopolitiques: Le libre-échange, prôné par les hyper-libéraux de DAVOS, est mal en point, la guerre en Ukraine qui obnubile l’Europe et la récession semble être l’horizon commun à tous et l’incertitude est partout.
En effet, l’économie mondiale s’enfonce ces dernières années dans l’incertitude, ce qu’on appelle communément l’incertitude géopolitique où le risque géopolitique qui peut être défini comme la menace, la réalisation et l’escalade d’événements préjudiciables liés aux guerres, au terrorisme et toutes tensions entre les États et les acteurs politiques qui affectent l’évolution pacifique des relations internationales. L’explosion d’un nouveau conflit entre Israël et le Hamas vient ajouter aux déséquilibres et à la fragmentation du monde économique. Une incertitude géopolitique de plus, après celles provoquées par la pandémie de Covid et l’invasion de l’Ukraine qui a précipité une crise de l’énergie et la hausse de l’inflation.
Depuis la crise économique et financière de 2007-2008, le G20, n’est plus en mesure de trouver un terrain de conciliation entre des pays qui s’affrontent économiquement, politiquement et même militairement, cette avalanche de chocs a concouru à un métamorphisme marqué de la géopolitique mondiale chavirant les dynamiques qui prévalaient jusqu’alors. Ainsi rejaillissent des discours crédibilisant la doctrine qu’une démondialisation serait à l’œuvre.
La finalité de la globalisation s’est parallèlement modifiée : elle est davantage perçue aujourd’hui comme hier chez les mercantilistes de John Locke et David Hume du 16éme siècle un jeu à somme nulle, où les gains de certains pays sont des pertes pour d’autres. Depuis moins d’une dizaine d’années, les interventions protectionnistes sont de plus en plus nombreuses, attisées surtout durant la pandémie du Coronavirus où elles ont crée un sentiment d’injustice et d’incertitude.
Conjointement, le concept de sécurité a pris de l’importance dans les débats publics et dans la justification de nouvelles politiques commerciales, autour du constat que le commerce ne garantissait peut-être pas la sécurité.
Elle est le produit de changements dans les rapports de force et d’influence, c’est-à-dire les relations de puissances, dans les intérêts des acteurs étatiques et privés, dans les idées qui portent le jeu des intérêts antinomiques et dans les institutions qui régulent les enjeux de richesse et de puissance entre acteurs inégaux.
Après la pandémie du covid19 et la crise de l’Ukraine qui a fait tâche d’huile en impactant l’économie mondiale, plus que jamais, partout dans le monde, la souveraineté (énergétique, industrielle, alimentaire ou autre) est devenue le leitmotiv qui s’est imposée comme une orientation stratégique décisive pour se soustraire aux effets de crises mondiales et leurs contrecoups sur le tissu économique et social. A titre illustratif, le Souverain Marocain, en visionnaire avéré, n’a-t- il pas mit les pleins phares lors de la 1ère session de la 1ère année législative de la 11éme législature, entre autres priorités pour le Maroc, sur l’impérieuse nécessité de la Consolidation de la souveraineté face aux enjeux de la compétitivité internationale en constituant des stocks de sécurité de produits stratégiques et ce en mettant en place d’un dispositif national intégré portant sur la réserve stratégique de produits de première nécessité, notamment alimentaires, sanitaires et énergétiques, avec une mise à jour continue des besoins nationaux.
Les interférences récentes entre les forces économiques et politiques configurent en effet un paysage international en mutation, dont elles redéfinissent les équilibres et mettent en lumière des challenges inédits. Le réajustement des chaînes d’approvisionnement, la relocalisation des industries et les évolutions des alliances économiques et stratégiques croquent les contours d’une nouvelle géopolitique qui bat en brèche les socles de l’architecture conventionnelle de la mondialisation.
On parle de plus en plus d’une déglobalisation selon Walden Bello dans son ouvrage « Deglobalization. Ideas for a New World Economy » qui renvoie à un processus de restructuration du système économique et politique mondial afin qu’il permette de raffermir les capacités des économies locales et nationales au lieu de les dégrader. Elle représente alors la transformation d’une économie mondiale intégrée autour des besoins des entreprises transnationales à une économie intégrée autour des besoins des peuples, des nations et des communautés. Ce n’est pas le sens porté par l’usage actuel de la notion de déglobalisation. En effet, cette dernière se définit en négatif des tendances structurantes observées ces quatre dernières décennies : ralentissement et reconfiguration des échanges internationaux, fragmentation des chaînes de valeur, régionalisation, recul relatif du dollar dans les transactions monétaires et financières internationales, et contestation des dispositifs de gouvernance multilatérale
Elle s’apparente, en outre, à un recul des principes ayant fondé la mondialisation depuis 30 ans : multilatéralisme, engagement des États à réduire les barrières tarifaires et non tarifaires pour soutenir la croissance du commerce, et domination des échanges commerciaux par les économies les plus avancées.
Certains aspects jusqu’alors perçus comme vertueux sont dorénavant considérés comme vicieux et sources de vulnérabilité potentielles. Cette inversion des relations économiques internationales et des tendances structurelles établies suscite, en sus, des interrogations quant aux nouvelles instabilités et inquiétude qui en résultent.
Aussi, la guerre à Gaza, qui entre dans son septième mois, a rallumé une nouvelle fissure du multilatéralisme de ONU, celle entre les USA, dans leur soutien béni-oui-oui, et dans leurs votes sinon dans leurs discours à Israël, et le reste du monde, y compris les plus proches alliés de Washington.
Cette guerre à Gaza, plus encore que l’invasion de l’Ukraine en 2022, est une autre illustration de la déchéance du Conseil Onusien à assurer le maintien de la paix dans le monde et qui montre, d’une part la vulnérabilité du Conseil de Sécurité de l’ONU à être le parrain de l’ordre mondial et d’autre part que la sécurité mondiale est l’apanage de quelques Etats persécuteurs.
Au regard de ces défis : la crise climatique, conflits armés, l’insécurité alimentaire, une inflation généralisée et des Millions de personnes asphyxiées par les bas salaires et/ou le chômage, il faut des solutions mondiales et celles-ci ne peuvent être conçues que dans le cadre de l’unité et du respect mutuel.
Dani Rodrik avait raison de critiquer farouchement la géopolitique mondiale portée à outrance, dépasse la réaction frénétique du populisme et suggère une explication plus lucide des raisons pour lesquelles l’obnubilation hyper-mondialiste des élites et des technocrates a entravé les nations dans la réalisation d’objectifs économiques et sociaux légitimes à l’intérieur de leurs frontières : prospérité économique, stabilité financière et équité sociale.
Dani Rodrik prend à partie les grands apôtres de la mondialisation, non pour avoir privilégié la science économique au préjudice d’autres valeurs, mais pour s’être livrés à de la mauvaise science économique et avoir ignoré les bémols inhérents à la discipline qui auraient dû inspirer la prudence. Il se prononce pour une économie mondiale pluraliste où les États-nations conservent suffisamment d’autonomie pour élaborer leur propre contrat social et développer des stratégies économiques à la mesure de leurs besoins.
Au lieu de réclamer des frontières fermées et de défendre le protectionnisme, il montre comment nous pouvons restaurer un équilibre géopolitique raisonnable entre gouvernance nationale et gouvernance mondiale et trace une voie d’avenir en proposant des moyens novateurs pour réconcilier les actuelles tendances inégalitaires de l’économie et des technologies avec la démocratie et l’inclusion sociale.
En guise d’une géopolitique mondiale malheureuse : Grâce à un dialogue franc, constructif et équilibré, nous pourrons concilier les enjeux économiques et financiers d’un côté et les défis humains de l’autre. Ainsi, nous pouvons construire ensemble, pour la planète, l’avenir que chacun de nous espère pour nos progénitures. Les divergences entre les grandes économies doivent être atténuées et que les efforts et les synergies doivent être mobilisés davantage au service de la paix et de la prospérité mondiale, dans un esprit de solidarité envers les pays les plus vulnérables pour combattre le changement climatique, sauver la planète et créer par la même occasion des dizaines de millions d’emplois décemment payés dans le secteur de l’énergie verte s’opposant à l’avidité et à l’idéologie de la classe des ultra-riches, en faveur de la justice économique, sociale et environnementale.
En somme la géopolitique mondiale n’a jamais été aculée à des enjeux et des défis aussi inédits qu’en cette dernière décade où le monde se remet d’une pandémie globale, en s’efforçant de contenir les contrecoups ravageurs de l’opprobre climatique et navigue dans un orage géopolitique mondial suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui n’a pas manqué de hanter, outre le milieu des affaires, les différents responsables internationaux et à leur tête les institutions de Brettons Woods, le Fonds Monétaire international (FMI) qui s’interrogent sur les moyens de refréner la fragmentation géopolitique jalonnée par une atrophie de multilatéralisme et un retour vers le protectionnisme, à même à réformer les systèmes de la gouvernance mondiale, afin de rétablir la confiance et le renforcement de la coopération internationale déjà confuse. Et seule une coopération accrue peut épauler la géopolitique mondiale et chaque économie à surmonter la crise selon les propos même du fondateur et président exécutif du Forum ultralibéral de Davos, Klaus Schwab afin de freiner l’érosion de la confiance que connaît le monde.
Nous devons désormais aller plus loin dans les solutions à mettre en œuvre, en proposant des réponses collectives innovantes, globales humaines à ces transformations géopolitiques et en développant des réflexions fécondes et des propositions stoïques pour forger un avenir prospère et philanthrope afin réparer les dommages sociaux et environnementaux causés par l’hyper-mondialisation et pour parvenir à une mondialisation plus satisfaisante.