Home Non classé Le rapport Forbes sur le Business international au Maroc : Quelle analyse critique ?

Le rapport Forbes sur le Business international au Maroc : Quelle analyse critique ?

by Mustapha Maghriti

Le magazine Américain Forbes vient de publier son dernier hit-parade du Business international à travers le monde. Faut-il signaler, en préambule, que l’étalonnage de Forbes porte sur 11 indicateurs qui sont : Droits de propriété, l’innovation, les taxes, la technologie, la corruption, la liberté (personnelle, commerciale et monétaire), la bureaucratie, la protection des investisseurs et la performance du marché boursier. 
Sur un échantillon de 137 économies, le Maroc enregistra une légère amélioration grimpant à la 51éme position, soit 11 places de mieux par rapport à l’édition 2015 où il se situa à la 62éme position et de 28 place de plus par rapport à l’année 2014 où il occupa la 79éme place.
La répartition géographique montre que dans la région MENA, le Maroc se positionne dans la deuxième place après les Emirates Arabes Unies et laisse derrière l’Egypte 103éme place et la Jordanie 71éme position.
Sur le plan maghrébin, le Royaume se situe devant la Tunisie (87ème) et l’Algérie (131ème).
Sur le plan Africain, il est le 2ème meilleur pays africain pour faire des affaires derrière l’Afrique du Sud (48ème).

L’amélioration de l’environnement des affaires économiques au Maroc selon les auteurs du rapport de Forbes est imputable à la proximité avec l’Europe et son faible coût du travail pour construire une économie diversifiée, ouverte et tournée vers une économie de marché.
A notre sens, l’attractivité ne peut être étayée sur ces deux critères évoqués ci-haut par Forbes pour deux raisons :
Primo, l’attractivité du Business international ne peut se figer au seul coût du travail car eu égard aux différentes réévaluations du SMIG au Maroc, cet avantage comparatif du bas salaire ne cesse de s’effriter au point que le travailleur Marocain est devenu plus onéreux en comparaison à d’autres pays tels que la Corée du Sud, le Taïwan, la Malaisie ou encore la Turquie.
De surcroît, compter pour l’essentiel sur les bas salaires pour percer les marchés étrangers et fertiliser le climat de l’investissement, revient à croire qu’il existe une bataille industrielle et une attractivité greffée sur le seul critère du bas salaire. Dans un tel cas, comment expliquer alors que les pays développés, où le coût du travail est plus élevé sont compétitifs sur les marchés internationaux et attirent plus d’IDE que les pays moins développés à l’instar de l’économie Allemande, Irlandaise ou Suisse? Si cette course existe, cela revient à nous interpeller qu’elle est viable uniquement pour des biens bas de gamme et confiner sa compétitivité à celle des bas salaires sclérose notre tissu économique dans des activités à faible valeur ajoutée et à faible contenu technologique. 

Secundo, l’attractivité ne peut se baser sur la proximité avec l’Europe. En effet, selon une étude de la Banque Mondiale portant sur la logistique, cette proximité n’est pas réelle si l’on appréhende par le coût du transport puisqu’un conteneur entre le Havre et Hong Kong est moins cher qu’entre Casablanca et Marseille. Aussi selon la même étude, il faudrait 4 semaines minimum pour acheminer une marchandise du Maroc vers Rotterdam, alors qu’un conteneur de la Chine vers Rotterdam a besoin seulement de 3 semaines. De surcroît, plus de 20% de la Valeur Ajoutée des produits manufacturiers est engloutie dans des frais de logistique. A cet égard, la Chine ne parait-elle pas plus proche de l’Europe que du Maroc ? 
En sus, d’autres critères sont aussi cruciaux pour les décisions des acteurs économiques, mais hélas ne sont pas pris en compte par le magazine Américain :
Il s’agit de la justice qui compromet le climat des affaires au Maroc ; il nous semble que le décri de l’appareil judiciaire fait tâche d’huile sur tout le système judiciaire Marocain et constitue une véritable entrave à l’exhortation à l’investissement ce qui explique le souci que porte le Roi Marocain Mohammed VI à ce dossier où lors de son discours, à l’occasion de l’ouverture de la nouvelle année législative du 14 Octobre 2016, il a mis les pleines phares sur les nombreux cas de lenteur des procédures judiciaires et de la non-exécution des jugements déjà rendus, notamment dans les affaires qui mettent l’investisseur face à l’administration. 

De plus, la corruption, non pris en compte par le rapport Américain, demeure une grande gangrène à l’entourage des affaires, en témoigne l’Indice de perception de la Corruption 2016 de Transparency International qui cadenasse le Maroc dans la 88éme place sur un échantillon de 168 pays. A notre sens, Incertain dans une telle aura d’iniquité, être élu au capital étranger et rendre le climat de l’investissement fécond et le cadre des affaires juteux pour les investisseurs nationaux et étrangers.
En outre, avec une charge qui tourne, en moyenne, autour de 20 à 30 % du Revenu National Brut, le secteur informel exerce un impact pestilentiel sur le climat du Business au Maroc et sur la compétitivité des entreprises nationales et étrangères. 
Aussi, la faible qualité du capital humain désaltère le macrocosme de l’investissement du Royaume et dissuade les investisseurs à diriger les commandes de leurs capitaux vers le système productif Marocain : Les business-managers ciblent des territoires où la main d’œuvre est « méga-qualifiée ». Des investigations économétriques de l’économiste Américain Robert Lucas (prix Nobel d’économie 1995) ont corroboré le métissage que noue et renoue la qualification de la main d’œuvre avec l’attractivité des IDE et la fertilisation du climat de l’investissement.
Par-dessus le marché, l’atmosphère du business international reste tributaire d’une bonne jonction entre les politiques publiques et le milieu des affaires. En d’autres termes, rien n’est acquis, en matière du climat des affaires internationales, tant que la collaboration entre le Gouvernement et le Patronat n’est pas optimale et cohérente. De son côté, la Confédération Générale des Entreprises Marocaines (CGEM) plaide pour des réformes approuvées, mais toujours renvoyées à la Saint-Glinglin. 

Le véritable calibrage du climat des affaires ne se confine pas au seul palmarès du journal Américain, la vraie évaluation de l’environnement de l’investissement ne se borne pas au seul hit-parade concocté par Forbes, l’attractivité du Business international se loge dans l’enterrement de la rente et l’érection des lois marché, dans les funérailles de l’ésotérique et le discrétionnaire en matière de politique de l’investissement, dans l’élimination du favoritisme et l’inhumation de la corruption pour laisser voie et libre cours au fair-play, à la méritocratie et à la transparence. 
Par ailleurs, le « stakhanovisme » du climat de l’investissement réside dans l’édification d’une administration Marocaine efficace, transparente et non corrompue. Toujours dans son discours du 14 Octobre 2016, le Souverain Marocain a énuméré les diverses entraves auxquelles butent l’investisseur où la moiteur des procédures et la longueur des délais de délivrance de certains documents administratifs sont parmi les griefs fréquents à l’égard des divers services que rend l’Administration aux acteurs économiques nonobstant la création des Centres régionaux CRI et l’utilisation du guichet unique pour simplifier les procédures et accélérer le processus décisionnel relatif à l’acte d’investir.

A ce sujet, le Souverain n’a-t-il appelé à en finir avec les restrictions et les contraintes qui se dressent devant les investisseurs et de s’en tenir à l’esprit des réformes au service de l’investissement générateur d’emplois et de richesses et de combattre les réflexes et comportements contreproductifs ? Car, dans la conception royale, l’efficacité administrative est un critère à l’aune duquel se mesure le progrès des nations, le Maroc ne sera en mesure de rejoindre le peloton de tête dans les classements mondiaux que s’il remplit les critères de l’efficience administrative, véritable locomotive de développement et de promotion de l’investissement. 
In fine, l’attractivité des affaires internationales réside dans le développement endogène, les politiques de soutien à la demande locale, le développement du savoir-faire et dans l’échafaudage d’un tissu industriel dense et robuste. Tel sont, entre autres, quelques critères omis par les auteurs de Forbes et qui sont, à nos yeux, vitaux au Business international au Maroc.

You may also like

Leave a Comment