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Géopolitique Sud-Méditerranéenne envers le Maroc : Quels sont les dessous d’une géostratégie Espagnole?

by Mustapha Maghriti

Feu Hassan II n’a-t-il pas utilisé l’illustre allégorie pour définir  » le Maroc est un arbre dont les racines plongent en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe. »

Le chef de l’Exécutif Espagnol a fait sienne cette phrase de Feu Hassan II de façon pragmatique ; la 12ème Réunion de Haut Niveau mixte Morocco-Espagnole tenue à Rabat le 2 février 2023, les récentes déclarations du Souverain Espagnol Felipe VI et du Chef du Gouvernement Espagnol Pedro Sanchez, sur le partenariat avec le Maroc vital pour les deux pays, essentiel pour les deux continents, les faits et la réalité qui confirment l’importance du Maroc pour l’Espagne, et pour l’Europe mettent tout l’éclairage et le pragmatisme sur cette célèbre métaphore de Feu Hassan II.  

Déjà, Mercredi 25 Janvier 2023 à Madrid, le Souverain Espagnol Felipe VI, dans une allocution à l’occasion d’une réception accordée aux Ambassadeurs accrédités en Espagne,  affirma que la réunion de haut niveau entre le Maroc et l’Espagne permettra d’approfondir « les vastes relations bilatérales » tout en rappelant que le voisinage naturel de l’Espagne et les liens étroits qui nous unissent dans différents domaines ne doivent pas être négligés et ce en replaçant le partenariat dans la permanence du fait de l’histoire et de la géographie.   

Certes, la décision de lubrifier la mécanique économique entre le Maroc et l’Espagne n’est pas primesautière, mais judicieusement réfléchie par l’Exécutif Espagnol et ce pour plusieurs raisons économiques et géopolitiques : 

– Primo, l’Espagne sait opportunément que le Maroc est le trait d’union géostratégique entre la Méditerranée et l’Afrique à travers une clairvoyance Royale persuasive qui apostrophe les Espagnols, Méditerranéens, les Européens et les Africains,

– Secundo, le Royaume d’Espagne a appréhendé les séquences vertueuses porteuses de co-développement, de coproduction et du partenariat (avec la signature d’une vingtaine d’accords destinés à faciliter les investissements espagnols au Maroc) avec un pied au Nord (Europe) et un pied au Sud (Afrique) de leur chaîne de valeur industrielle. Cette stratégie permettra à Madrid, de bénéficier de la proximité géographique, d’une part, et de la complémentarité entre des pays matures et vieillissants au Nord, et des pays jeunes et émergents au Sud, d’autre part,

– Tertio, l’Espagne sait indubitablement que face à la concurrence des USA et de la Russie, la Chine courtise l’Afrique en délocalisant plus de 85 Millions d’emplois manufacturés en Afrique, une offensive géopolitique menée à la fois par les entreprises publiques et privées, les décideurs politiques et les diplomates, lui permettant de s’ancrer sur la rive Sud Méditerranéenne pour approvisionner l’Europe. De ce fait, l’Espagne pointe le Maroc, car il est l’itinéraire géostratégique vers les créneaux chinois,

– Quarto, l’Espagne sait que le terrain entre l’Europe, à travers l’Espagne et l’Afrique via le Maroc est toujours en friche ; un raccordement en jachère qui accouplera  l’Afrique du Nord à l’Afrique Subsaharienne en pleine ébullition économique à travers des secteurs tel que le transport, la logistique, l’énergie, ainsi que le développement des provinces du Sud du Maroc qui sont entrain d’être enrichies et fortifiées de zones industrielles, de zones franches, de technopoles et de clusters industriels. L’Espagne sait immanquablement que l’axe Rabat-Madrid est le pivot fructueux des relations entre le Nord, le Sud de la Méditerranée et le reste de l’Afrique.

A ce titre, l’Espagne, en complémentarité avec le Maroc et ses partenaires de la rive Sud, est plus que jamais interpellée à peser dans la région Méditerranéenne, notamment à travers l’Union pour la Méditerranée UPM qui, faut-il rappeler, est une organisation intergouvernementale fondée le 13 juillet 2008, lors du Sommet de Paris pour la Méditerranée qui est destinée à renforcer les acquis du Partenariat euro-méditerranéen (Euromed) mis en place en 1995 sous le nom de Processus de Barcelone regroupant 43 pays sur la base d’une co-présidence  paritaire entre les rives sud et nord de la mer Méditerranée.   

– Quinto, Madrid sait que le Maroc recèle d’énormes gisements économiques et de potentialités, humaines et naturelles, pouvant être un relais de croissance et de dynamique économique pour l’Espagne et l’Europe.

Une telle vertu géostratégique impliquerait, de la part de Madrid, une coopération plus engagée et plus responsable, en concordance avec les priorités de l’agenda du Maroc, tout en fédérant le rôle de Rabat en tant que protagoniste incontournable dans le reformatage de la Politique Européenne de voisinage.

Madrid pense, en terme dialectique : La stabilité et la sécurité de l’Europe, de même que sa dynamique économique et productive, passent indéniablement par la stabilité et le développement du sud de la Méditerranée et de l’Afrique ; que le progrès économique du Maroc est liée à celle de l’Espagne et inversement, termes qui ont été d’ailleurs utilisés dans l’épître adressée au Souverain Marocain par le chef de l’exécutif Espagnol Pedro Sanchez.

Sous cet angle, Madrid pense qu’il est impérieux de refonder les conditions économiques et sociales à même d’enfanter de nouveaux modèles de dynamique économique, plus endogènes, plus durables et plus inclusifs porteurs d’investissement, de croissance, de revenus et d’emploi qui seront altruistes et plus avantageux au Maroc à l’Espagne et à toute la ceinture Sud-Méditerranéenne.

Aussi, la grande apostrophe de la promotion des valeurs cultuelles pour prémunir les jeunes de toute forme d’outrance et d’extrémisme ne doit-elle pas figurer dans l’agenda de l’Espagne ? Madrid l’a bien pressentie, en se dotant d’une vision agencée sur des orientations aspirant à la consolidation de la coopération régionale en Méditerranée, bâtie sur la création d’opportunités économiques en faveur des jeunes. Cependant, cette orientation ne doit pas nous faire inculquer une vision fataliste et apathique de la part du Maroc et des pays Africains; ils doivent réaliser de manière intrinsèque leur propre “ suée ” économique, sociale et politique en termes de réformes économiques, de gouvernance, de démocratie, d’État de droit, d’inclusion et d’équité sociale. 

– Sexto, Madrid, qui se trouve acculée à l’épée de Damoclès de l’immigration illégale, sait inévitablement que le Maroc est l’allié stratégique pour tamponner ce fléau ; le Maroc est le seul associé fédéré sur lequel l’Europe pour s’accouder pour amplifier son omniprésence en mer Méditerranéenne dans le dessein de dissuader les prétendants à « l’Eldorado Européen « .

Madrid n’a-t-elle pas mis en avant la baisse de plus de 25 % de l’immigration illégale en 2022 grâce à sa coopération policière avec Rabat, avec 31 219 migrants entrés illégalement en Espagne en 2022 ?

Madrid tout comme l’Europe sait que sans planification et sans coordination avec le Maroc en  rive Sud du Méditerranée, ce mécanisme rénové dans sa nouvelle mouture du « Pacte Européen sur la Migration et l’Asile », comme ceux qui l’ont précédé, serait un coup d’épée dans l’eau. Ne s’agit-il pas d’un même destin pour les deux rives ?

L’Espagne doit amener l’Europe à s’impliquer davantage dans le processus de co-développement qui, en garantissant la prospérité en Afrique, limitera les flux migratoires en convaincant les partenaires Européens que la stabilité de la rive sud et les prouesses économiques du Maghreb constitueraient la meilleure armature et le véritable rempart contre l’immigration clandestine. Pour ce faire, le nec plus ultra serait d’aider les pays du pourtour sud Méditerranéen pour accélérer rapidement l’émergence économique de leur tissu industriel, une émergence porteuse de croissance et d’emploi.

Le Maroc est irréprochablement dans cette posture : Le Royaume dispose d’un tissu économique qui permet d’en faire un Hub Euro-africain capable de contribuer à une meilleure redistribution des richesses et des hommes entre les deux rives. Surtout, que le Maroc est réputé sur le plan  mondial, africain par sa tolérance grâce à un Islam du milieu et, de ce facto, il constitue un blindage contre les extrémismes de tout bord.

Avouons le dans cette chronique : La jeunesse Africaine n’est pas une souche particulière, la jeunesse Africaine n’est pas délétère par nature, elle ne s’expatrie pas par amour d’émigration à la quête de l’eldorado, elle ne succombe pas au terrorisme parce qu’elle y est une fatalité.

Nous croyons fermement que la jeunesse Africaine  a juste besoin d’emploi, d’opportunités économiques, de stabilité, d’investissements productifs porteurs de croissance, de revenus et d’emploi inclusifs à même d’assurer une insertion économique et sociale des jeunes . A défaut, elle hallucine que le pays de cocagne est en Europe.

A défaut, nous aurons tous à supporter les conséquences de la montée des démons de l’extrémisme, de la violence et du terrorisme et l’immigration clandestine, qu’alimente le sentiment d’injustice et d’exclusion, et auxquels aucun endroit au monde ne pourra échapper. Feu Hassan II, en Mai 1961, au palais du Ryad, n’a-t-il pas dit à l’ambassadeur des USA à l’époque, son excellence Philip Bonsal que « L’avenir du monde dépend de la stabilité en Afrique ».

C’est tout le sens que doit donner l’Europe à la vision Africaine, basée sur l’osmose d’une croissance partagée couplée à la promotion de la paix et de la sécurité porteuses de stabilité pour les deux rives car , il ne peut y avoir de développement économique et social sans sécurité et de paix et, mutuellement, il ne saurait y avoir de sécurité et de paix sans développement économique et social. L’Europe doit cesser de continuer à faire la politique de l’autruche !!

La promotion d’une approche sécuritaire régionale pour la pérennité de la paix et de la dynamique du développement n’appelle-elle pas à la prise en compte de toutes les dimensions stratégiques du Maroc, du bloc Sud-Méditerranéen et Africain?

Penser ainsi, le Maroc n’exige-t-il pas de concevoir cet espace régional non pas comme une région perclus, mais comme une interface dynamique, capable d’assurer la connexité des territoires qui l’entourent ? Reconnaissant le, l’Espagne l’a bien appréhendée en faisant le pari de se réconcilier avec Rabat et l’ouverture sur son continent et ce en optimisant sa position géostratégique le Maroc . La 12ème Réunion de Haut Niveau mixte Morocco-Espagnole en est la meilleure illustration.

– Ultimo, l’Espagne sait notoirement que l’Afrique, de part en part du Maroc, est le continent de l’avenir, disposant de fortes marges de croissance durable. C’est le continent qui dispose d’une richesse d’atouts multidimensionnels qu’il convient de revaloriser au profit du développement durable.

André Frossard n’a-t-il pas dit que “L’Europe cherche avec raison à se donner une politique et une monnaie commune, mais n’a-t-elle pas surtout besoin d’une âme” ? Cette âme et sœur ne peut être que l’Afrique à travers le pont qui est le Royaume Chérifien du Maroc.

Voilà pourquoi l’Espagne entend profiter de cette géostratégie Sud-Méditerranéenne, tant ses ressources et son ancrage qu’il trame avec l’Afrique, à travers le Maroc, lui lotit un rôle géopolitique. dans le cadre d’une approche fondée sur la complémentarité et la convergence des intérêts.

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