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Davos 2023 : un Forum économique et une mondialisation aux pieds d’argile

by Mustapha Maghriti

Le Forum économique mondial, qui réunit chaque année le milieu du Business International, responsables politiques, organisations internationales, intellectuels, et journalistes afin de débattre des paris et des challenges de la mondialisation, a fermé ses rideaux Vendredi 20 Janvier 2023 sur des débats de la géopolitique mondiale d’après Covid et d’après guerre Ukraino-Russe.

Les débats de Davos 2023 ont peu porté sur les solutions et les partenariats public-privé pour relever les défis mondiaux les plus impérieux telque les disettes énergétiques et alimentaires dans un contexte de changement climatique , de l’envolée de l’inflation , des risques de dettes publiques non honorées et de récession économique, du conflit russo-ukrainien et des bouleversements géopolitiques qui l’accompagnent, des aides humanitaires et de la reconstruction alors qu’on a cru qu’ils ambitionneront dans la  53éme édition d’améliorer l’état du monde et de tenter de trouver des solutions impératives aux grands problèmes urgents de la géopolitique internationale. 

Les discussions ont basculées et centrées sur comment les 3 premières puissances mondiales USA, Europe et la Chine vont cohabiter ensemble dans une nouvelle ère économique d’après Covid et Post guerre en Ukraine de façon plus ou moins autonome. De ce fait, les masqués sont tombés au Davos 2023 et d’ores et déjà  il n’y a plus de grandes puissances que ce soit les USA ou la Chine qui veut jouer à la philanthropie de l’Organisation Mondiale du Commerce OMC.

Dans cette kermesse des riches, on a remarqué comment la Chine et les USA défendirent farouchement leur intérêt ; des intérêts qui s’apparentent à des stratégies d’équilibre de Nash, dans lequel chacune des parties ne peut rompre l’équilibre qu’en s’exposant à être détruit ou ce qu’on appelait à l’époque de la guerre froide, l’équilibre de la terreur ou destruction mutuelle assurée entre, d’une part par l’Union soviétique (et ses satellites au sein du Pacte de Varsovie), et d’autre part par les États-Unis (et ses alliés au sein de l’OTAN).

L’Union Européenne aussi dans ce Forum économique fustigea la loi IRA « Inflation Reduction Act » et son volet protectionniste, laquelle conjugue non seulement des investissements massifs dans le secteur de l’énergie et en faveur du climat, mais aussi de fortes subventions de 400 Milliards de Dollars d’aides à la relocalisation sur le sol Américain, comme les véhicules électriques, les batteries ou encore les projets d’énergie renouvelable.

De telles subventions font craindre à l’Europe une distorsion de concurrence et un exode de ses industriels de l’autre côté de l’Atlantique. Venant d’un Etat allié, le coup sera rude pour les industriels Européens. A défaut de subventions équivalentes, Paris cherche à convaincre Bruxelles d’imposer des mesures de rétorsion.  

L’IRA va amplifier la prise de conscience de la part des Européens qu’ils sont de plus en plus pris en étaux entre deux superpuissances avec les Etats-Unis qui prennent le chemin comme la Chine d’une économie de plus en plus dirigée et protectionniste  pour paraphraser Elvire Fabry, experte de politique commerciale à l’Institut Jacques Delors. 

De telles désagrégations sont à la base des lignes de fracture géopolitiques, une fragmentation géoéconomique qui pourrait coûter à l’économie mondiale jusqu’à 7% du PIB, voire jusqu’à 8 à 12% dans certaines économies et pourrait réduire le PIB mondial de 0,2% selon le dernier rapport du Fonds monétaire international FMI publié le 15 Janvier 2023, un jour avant l’ouverture du forum.

Le Forum de Davos n’est plus considéré comme le temple de la mondialisation, il est plutôt un sommet post-mondialisation : La crise sanitaire, le retour de la guerre en Europe, la menace chinoise sur Taïwan, la flambée des prix de l’énergie et le dérèglement climatique ont mis fin à la perception d’un monde ouvert. 

Les mots récurrents au Forum Davos 2023 sont : résilience, adaptation ou souveraineté économique nationale où la Ministre du Commerce et de l’Industrie des Pays-Bas défendait la souveraineté industrielle de l’Europe dans le secteur des semi-conducteurs qui est un équipementier fondamental sur l’échiquier de la chaîne d’approvisionnement mondiale.

Dans une interview diffusée sur la chaîne Américaine CBS le premier Janvier 2023, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a anticipé une année difficile pour l’économie mondiale, dont 1/3 devrait entrer en récession en 2023. Les trois principales économies – les États-Unis, l’Union Européenne et la Chine – ralentissent toutes simultanément. Si « les États-Unis sont en mesure d’éviter la récession », l’Union européenne a quant à elle été très durement touchée par le conflit Russo-Ukranien, la moitié de l’UE sera en récession.

Ces multiples « Ouragans » politiques, économiques et les remous sociaux dans une époque où l’hiatus entre les riches et les pauvres se creusent un peu partout sous l’effet des crises, comme l’a montré le rapport de l’ONG Oxfam où selon ses auteurs les inégalités économiques ont atteint des niveaux alarmants et proposent une taxation « platonique » des riches pour imposer les revenus et le capital des plus aisés et les incertitudes créèrent une fragmentation accrue aux niveaux mondial et national, comme il a souligné Klaus Schwab, Fondateur et Président exécutif du conseil d’administration du WEF, lors de la cérémonie d’ouverture du Forum.

Ainsi, au regard d’une « Coopération dans un monde fragmenté » pour reprendre l’intitulé de la 53éme édition du Forum de Davos 2023 qui reflète la réalité épineuse de la géopolitique mondiale, seule une coopération accrue peut épauler l’économie mondiale et chaque économie à surmonter la crise selon les propos même du fondateur et président exécutif du WEF, Klaus Schwab afin de freiner l’érosion de la confiance que connaît le monde.

En outre, sans une implication plus audacieux et énergique des prépotences économiques et  politiques c’est comme un coup d’épée dans l’eau pour réussir les transitions écologiques, économiques et sociales incontournables. Certes, l’on peut fulminer, protester, plaider pour une démondialisation à cor et à cri, les possesseurs des espaces économiques et politiques hégémonique ont grappillé surabondamment de capital, de know-how, de technologie pour qu’une nouvelle gouvernance mondiale et une plus répartition seyante des richesses se fasse avec les damnés de la mondialisation.

Cependant, face à une fragmentation que connait l’économie mondiale, et pour paraphraser Dani Rodrik : A la place de récriminer des espaces fermés et de plaider pour le protectionnisme et des mesures de représailles et de rétorsions économiques et commerciales,  nous devons reformater et réédifier un équilibre circonspect entre gouvernance nationale et gouvernance mondiale à travers des moyens initiateurs pour réconcilier les actuelles tendances inégalitaires de la géopolitique et des technologies avec la démocratie et l’inclusion sociale par une géopolitique mondiale pluraliste où les États-nations conservent décemment d’autonomie pour rebâtir leur propre contrat social et développer des stratégies économiques à la mesure de leurs besoins.

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