Home Non classé Langue d’enseignement au Maroc : Langue de bois et débat sur le sexe des anges

Langue d’enseignement au Maroc : Langue de bois et débat sur le sexe des anges

by Mustapha Maghriti

La polémique sur la langue d’enseignement au Maroc resurgit en prenant la tangente et ce, de la manière la plus adroitement incongrue qui soit. 
Les Marocains et le milieu de l’éducation s’attendaient à un débat de fond sur la langue d’apprentissage autour de l’école que nous rêvons et que nous escomptons pour notre progéniture actuelle et future et voilà encore une fois, les partis politiques glissent malheureusement dans des polémiques arides, desséchées et marginales qui suffoquent fondamentalement ce débat sensé être fructueux aboutissant à des résultats probants. 
En polarisant le débat autour de la langue d’enseignement avec des arrières pensées « bibliothécaires » et passéistes, voire populistes et sournois, l’élite politique cherche intentionnellement à végéter la réforme de notre système éducatif et à reproduire en corollaire le système actuel dont tout le monde récrimine le caractère infertile, injuste, et inéquitable. 
D’emblée, nous pensons qu’à l’heure de la globalisation et du développement sans précédent de l’économie cognitive, l’ouverture sur les langues étrangères est plus que jamais un « Must » pour tirer profit des acquis de l’essor économique et technologique et pour mettre l’élève. 
Aussi, Il ne faut pas voir dans la langue un simple outil de lexique et de thésaurus, mais surtout une courroie de transmission de connaissances, de science, de progrès et de civilisation 

Nous alléguons qu’il existe une dialectique entre notre langue et les autres langues dans la mesure où la langue arabe s’enrichit à partir des langues étrangères et le fait d’enseigner les matières scientifiques n’affecte en aucune manière notre identité Marocaine, arabe et musulmane comme le prétendent certains gourous des partis politiques. 
Apprendre et enseigner en langue étrangère est un moyen de préparer l’apprenant à poursuivre ses études supérieures, que ce soit au Maroc ou à l’étranger, avec succès et arrimer l’étudiant Marocain au tempo de la mondialisation.. 
À titre illustratif, n’est-il pas opportun pour un élève Marocain qui envisage de poursuivre des études de sciences économiques ou les statistiques en français ou en anglais ? N’est-il pas raisonnable pour un futur ingénieur d’étudier l’informatique dans une langue autre que l’arabe ? 
Avouons-le : Ça fait plus de 30 ans que le Maroc a adopté la langue arabe dans l’enseignement des matières scientifiques depuis le primaire jusqu’au baccalauréat. Un état de fait qui a sécrété une véritable lésion et dualité linguistique entre l’enseignement secondaire et supérieur où ces matières sont dispensées en français. Le résultat était lamentable : Selon les enquêtes du ministère de l’éducation nationale, seulement 1 étudiant sur dix parvient à décrocher la licence en 3 ans et plus que 30% des bacheliers scientifiques préfèrent s’inscrire dans des filières de sciences humaines et sociales en arabe pour contourner la question des langues. 
Un bachelier arabisé vit un véritable temps d’épreuves : S’il choisit une filière scientifique, il devra faire face à un changement de langue et se trouve rencogné entre des prérequis arabisés et un nouveau savoir dispensé en français ; une situation qui impactera son insertion, son rendement et ses chances de réussite ce qui explique le taux atterrant de déperdition où 25% des étudiants quitte l’Université sans avoir passé l’examen du 1er semestre selon les chiffres officielles du Ministère de l’éducation nationale. 
Pour mémoire, notre système éducatif n’-a-t-il pas bien fonctionné selon une séquence vertueuse et ce en privilégiant le qualitatif sur le quantitatif pendant des décennies et avec des résultats probants ? Ce faisant, on ne réinventera pas la roue : Tous les pays qui se développent ou qui se sont développés procèdent ainsi avec une dose plus ou moins forte d’ouverture sur les langues étrangères. Tel est l’enjeu de l’utilisation des langues étrangères. Soyons donc clairs, ne discutons pas de sexes des anges et débattons à visage découvert sur l’avenir de notre école et sa place dans le projet sociétal qui convient à notre pays à l’heure actuelle et futur. 

Soyons sincère et clair, je pense qu’à l’heure actuelle, la langue anglaise est devenue la lingua franca, elle est devenue la langue de sciences par excellence et assimiler cette langue par les élèves et les étudiants Marocains leur permettra d’exceller grâce à des rapports, des thèses, des ouvrages, des sites qui sont dans la plupart rédigés en anglais. 
La langue de Shakespeare est largement pratiquée dans le monde de l’entreprise et dans les sphères scientifique, technologique et économique, c’est la langue de la finance internationale, du commerce international et du tourisme. 
Dans le monde de la digitalisation économique et de l’intelligence artificielle, 80 % des données existantes sont en langue anglaise, ainsi que le sont une grande majorité des publications scientifiques (95 %). De ce fait, en assimilant l’anglais, l’élève et l’étudiant Marocain peuvent avoir accès à un nombre illimité de ressources économiques, techniques et scientifiques. 
Aussi, l’anglais est l’une des compétences les plus demandées sur le marché du travail ; elle est la plus sollicitée par les employeurs, les promoteurs et les investisseurs. A ce titre, elle permet d’accéder à des postes à plus haute responsabilité, de développer sa carrière et son entreprise. C’est la langue des affaires internationales 
Historiquement, à l’ère du rayonnement de l’empire arabo-musulman au 7éme et 8éme siècle, je pense que les occidentaux étaient intelligents en apprenant la langue Arabe : La langue du Saint Coran et du Paradis était la langue des sciences par excellence et de ce fait les occidentaux savaient pertinemment l’enjeu de l’apprentissage de la langue arabe pour accéder aux travaux scientifiques de Jabir ibn Hayyan, Al-Khwârizmî, Avicenne, Rhazès, Al-Battani, Ibn al-Haytham, Al-Fârâbî….etc. N’est-il pas le cas pour la langue anglais aujourd’hui. 

Ceci étant, sans occulter la langue française et arabe comme langue de communication quotidienne. Aussi, nous constatons, depuis plusieurs années, la langue de Molière connait un certain retrait et les responsables Français intègrent de plus en plus la langue anglaise comme langue d’apprentissage pour ne pas rater le train de l’économie cognitive. Même la Chine, qui est entrain devenir la première puissance économique mondiale intégra la langue anglaise dans toutes ses universités et dans les manuels d’étude. 
Hélas, au Maroc, nous sommes, devant un paradoxe, voire même une schizophrénie de ceux qui débattent de la langue d’enseignement : C’est connu, cette élite politique marocaine ne dispense-t-elle pas les études à leur géniture dans des écoles, des missions en langue anglaise ou française ? 
Les apostrophes qui doivent interpeller notre système éducatif : Sommes-nous pour une école qui assure une réelle égalité des chances, qui garantit une formation de qualité, une école ouverte sur son environnement local, national et international, une école ouverte compétitive et attractive, une école qui contribue à l’émancipation de l’esprit et au développement de la créativité, une école qui anticipe les contraintes économiques et technologiques du futur pour préparer les élèves et étudiants à cette nouvelle donne en leur imprégnant les méthodologies didactiques, pédagogiques et scientifiques pour exceller sur notre patrie et sur d’autres cieux ? Telles sont les vraies interpellations qui se posent à nous aujourd’hui et auxquelles la trame éducative doit apporter des répliques. 

You may also like

Leave a Comment