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Génocide de Gaza, Conseil de Sécurité de l’ONU et les nouvelles Fissures du Multilatéralisme

by Mustapha Maghriti

Le Système Multilatéral, concept utilisé dans la géopolitique et les relations internationales, qui se définit comme un mode d’organisation des relations inter-étatiques dans le dessein d’instaurer des règles communes est immergé dans une crise frénétique. L’asymétrie entre cette déstabilisation perdurable et l’amplification des crises systémiques dans un monde globalisé a fusé la gouvernance mondiale dans un tumulte le rendant démesurément inodore au regard des challenges impérieux de nos sociétés contemporaines. La dernière preuve, on s’en souvient qui nous a amèrement sapé est celle du Covid19 et qui attesté des fissures du multilatéralisme.

Aussi, la guerre à Gaza, qui va entrer dans son cinquième mois, a ravivé une nouvelle fracture du multilatéralisme de l’Organe Onusien, celle entre les États-Unis, dans leur soutien béni-oui-oui, et dans leurs votes sinon dans leurs discours à Israël, et le reste du monde, y compris les plus proches alliés de Washington. Cette guerre à Gaza, plus encore que l’invasion de l’Ukraine en 2022, est une autre illustration de l’incapacité du Conseil à assurer le maintien de la paix dans le monde et qui montre, d’une part la vulnérabilité du Conseil de Sécurité de l’ONU à être le parrain de l’ordre mondial et d’autre part que la sécurité mondiale est l’apanage de quelques Etats oppresseurs.

Historiquement, les conflits mondiaux ont transfiguré la donne internationale, primo parce que les nouvelles technologies ont permis aux guerres de s’évaser, et secundo parce que la planète terre demeure aliénée à un système expansionniste aux mainmises de quelques Etats despotes. Depuis la fin de la guerre mondiale le 8 Mai 1945, de la guerre froide période de fortes tensions géopolitiques durant la seconde moitié du XXéme siècle entre, d’une part, les États-Unis et leurs alliés constitutifs du bloc de l’Ouest et, d’autre part, l’Union des républiques socialistes soviétiques et ses États satellites formant le bloc de l’Est à ce jour, les belligérances armées n’ont pas tari dans le monde.

Le multilatéralisme, sous l’égide de des entités Onusiennes, crée pour l’essentiel pour maintenir la paix et la sécurité internationale et à cette fin, prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix mondiale, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit, n’est pas arrivé à contenir les guerres dans le monde car l’équilibre des forces géopolitiques en présence, reposent authentiquement sur les vétos des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui se regardent invariablement en chien de faïence.

Pour pièce à conviction : Le Conseil de sécurité des Nations Unies a-t-il barré la guerre du Vietnam qui a duré plus de 17 ans opposant le Sud Vietnam pro-occidental et son principal allié, les États-Unis au Vietnam du Nord communiste soutenu par la Chine et l’URSS ? L’Organe Onusien a-t-il pu empêcher Le génocide des Tutsis au Rwanda de 1994 qui a fait 1.074.017 morts ? Le Conseil de sécurité des Nations unies a-t-il évité la guerre ethnique en Yougoslavie et le Kosovo ? L’ONU a-t-il pu éteindre le génocide ethnique de Darfour qui a engendré un bilan accablant de plus 300.000 personnes ? Le Conseil de sécurité a-t-il épargné la guerre en Irak ? Et j’en passe……

A ce titre, le conflit israélo-palestinien est devenu la pièce à conviction du fiasco pur et dur du multilatéralisme. En effet, plus de 75 ans après le plan de partage adopté par l’ONU et plus d’un quart de siècle après les accords d’Oslo, le conflit israélo-palestinien a fait l’objet de nombreuses tentatives de relance du processus de paix mais en vain et au regard de l’absence de progrès pour un règlement du conflit, la viabilité de la résolution à deux Etats se trouve plus que jamais verrouillée par le talonnement de l’expansionnisme israélien.

Après l’attaque du Hamas le 7 Octobre et les représailles imminentes d’Israël, n’aura pas-t-il fallu au Conseil Onusien 39 jours et le rejet de 4 textes avant de s’accorder sur une première résolution minimaliste et textuellement humanitaire, qui ne mentionnait ni l’origine du conflit, ni ses auteurs, et ne demandait pas de cessez-le-feu mais seulement des « pauses humanitaires urgentes et prolongées » ?

Ne lui aura-t-il pas fallu ensuite 37 jours de plus pour adopter, à la veille des fêtes de Noël, une nouvelle résolution, elle aussi intrinsèquement humanitaire, plus exigeante sur l’accès, mais qui ne réclamait toujours pas de cessez-le-feu et à laquelle Israël répondait par l’annonce d’une intensification des bombardements ?

Sous cet angle, plusieurs apostrophes nous interpellent : Comment expliquer sinon que l’obtention de l’unanimité pour un cessez-le-feu soit cadenassée par Uncle Sam ? Comment comprendre, en outre, les renvois successifs et sine die de la tenue d’un nouveau vote face à l’urgence de la situation ? En dépit des réactions au jour le jour de la communauté internationale, les cris d’orfraie au cessez-le-feu et à l’aide humanitaire, aucune capacité de coercition n’est déployée par le Conseil de Sécurité, qui apparait comme divisé, atone et le multilatéralisme hypothétique du Conseil de sécurité se transforme en négociations entre puissances absolutistes.

La situation continue de déchoir en Palestine, les mésaventures de violences se succèdent, et la situation humanitaire, notamment à Gaza, est alarmiste aux images ignominieuses des mômes, des femmes et des hommes âgés emmaillotées dans le caporalisme de Gaza, face à une dissemblance graveleuse dans la revanche.

Avec le génocide de Gaza, la cause palestinienne a retrouvé sa centralité dans le monde entier où la société civile et les organisations internationales philanthropes se tournent vers la charte humanitaire censée recadrer la misanthropie de la contre-offensive israélienne outrancière comme un instrument pour faire entendre une note dissonante dans la chorale chantant la légitimité d’une contre-offensive israélienne illimitée avec un bilan cauchemardesque et horrifiant au 142 éme jour de mitraillage barbare qui frôle les 30.000 décès et plus de 70.000 autres blessés, principalement des femmes et des enfants, depuis le début de l’agression israélienne contre Gaza le 7 Octobre et les 2,2 Millions de personnes menacées de famine dans la bande de Gaza selon l’ONU, ainsi que le sort d’au moins 1,4 Million de Palestiniens massés à Rafah, selon l’ONU, et piégés contre la frontière fermée avec l’Égypte.

Le passe-droit d’Israël est plus qu’ostentatoire, il souligne publiquement le caractère arbitraire et absolutiste de l’embargo imposé à Gaza, ainsi que de l’évacuation forcée d’un 1 Million de personnes vers le sud de l’enclave le 12 Octobre, des bombardements effectués dans des zones densément habitées, de la prise de véhicules ambulanciers et de civils en déplacement pour cibles. Tout cela relève de l’évidente illégalité, au sens du droit international humanitaire.

A l’appui de notre allégation, le nouveau projet de résolution du Conseil de sécurité a été présenté au nom des Etats arabes le 20 Février 2024. Cette résolution appelle à un cessez-le-feu humanitaire immédiat, le rejet de tout déplacement forcé de la population civile palestinienne, l’accès humanitaire sans entrave, et la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages. Cette résolution a obtenu 13 votes pour, un vote contre, et une abstention.

Les Etats-Unis ont été les seuls à voter contre, alors que Royaume-Uni s’est abstenu. C’est la troisième fois que Washington bloque une résolution, qui aurait pu éviter la mort de nombreux Palestiniens.

Aussi et  au même moment le 22 Février 2024, Netanyahou divulgua son propre plan Post-guerre hégémonique à Gaza dans lequel  envisage qu’Israël s’appropriera le contrôle de la sécurité dans tous les contrées palestiniens, qu’il s’agisse de Gaza ou de la Cisjordanie. Aussi a-t-il rappelé au  préalable, les vocations de l’armée israélienne à Gaza à savoir démantèlement du Hamas et du Jihad islamique, et libération de tous les otages encore retenus et que les affaires civiles de Gaza seraient gérées par des fonctionnaires locaux ayant une expérience administrative, et qui ne seraient « pas liés à des pays ou des entités qui soutiennent le terrorisme ». Le projet fait litière de l’Autorité palestinienne au pouvoir en Cisjordanie occupée, et détrône le Palestine d’un Etat indépendant.

Le plan dominateur  de Netanyahou indique que même après la fin de la guerre, l’armée israélienne aurait la liberté d’opérer dans toute la bande de Gaza pour « empêcher toute résurgence de l’activité terroriste ».   Netanyahou prévoit également l’établissement d’une zone tampon de sécurité du côté palestinien de la frontière de la bande de Gaza, précisant que la zone restera en place « tant qu’il y aura un besoin de sécurité  et  que les Etats-Unis s’opposent à toute réduction du territoire palestinien après la guerre. En sus, le plan prévoit « la déradicalisation dans toutes les institutions religieuses, éducatives et sociales à Gaza », ainsi que le démantèlement de l’UNRWA, l’Agence des Nations Unies pour le soutien des réfugiés palestiniens. Concernant la frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza, le plan prévoit « un bouclage » de la frontière avec l’Egypte pour empêcher la reprise de toute activité terroriste ou de contrebande.

Parallèlement à ces événements, les ministres des affaires étrangères du G20 se sont réunis à Rio de Janeiro (Brésil) les 21 et 22 Février 2024. La réunion a eu lieu au lendemain de la déclaration du Président brésilien Lula comparant le conflit à Gaza à la Shoah. Pendant cette réunion, le Ministre Brésilien des affaires étrangères a dénoncé explicitement « la paralysie inacceptable de l’ONU face aux conflits en cours en Ukraine et à Gaza ». « Cette inaction de l’ONU implique directement la perte des vies humaines » a déploré le Ministre Brésilien. Il a ajouté « le Brésil n’accepte pas un monde qui résout les différents avec l’usage de la force ».

Le voyeurisme de la Communauté Internationale et le joujou des coalitions semblent avoir plombés la destinée létale de Gaza : Sur la scène diplomatique, les clameurs et récrimination au respect du droit international humanitaire ont acquis une évocation dominante, hélas ces appels sont toujours amauroses devant les caméscopes du monde entier. La crise reste d’autant plus défaitiste qu’elle constitue une épée de Damoclès de subversion régionale majeure au Proche-Orient.

Le multilatéralisme et son antithèse unilatéralisme ne s’illustrent pas dans la Charte de l’Organisation des Nations unies (ONU), mais le bon sens dicte que l’unilatéralisme est la décision d’un ou de plusieurs acteurs d’agir par démonstration autonome de puissance ; alors que le multilatéralisme signifie échanges, concertations et débats. À cet égard, J.Biden et avant lui D.Trump font de l’unilatéralisme quand, sans passer devant le Conseil de sécurité, ils canonnent et mitraillent Gaza.

De par son essence, la fonction du multilatéralisme est toujours la même et invariable : S’entendre sur des règles communes au plus grand nombre possible d’États, sur une base volontaire, pacifique et durable. L’impression prévaut parfois qu’il serait un instrument américain préférentiel. Cela n’a correspondu à la réalité que brièvement, au moment de la fondation de l’ONU et des institutions spécialisées, du moins des institutions financières.

Les USA se sont par la suite orientés vers un unilatéralisme à la carte et n’ont recouru aux institutions et aux traités multilatéraux que de façon opportuniste. Unilatéralisme ou multilatéralisme sont pour eux deux revers d’une même pièce diplomatique dont ils usent en fonction des circonstances.

Aussi, Israël a toujours bénéficié du soutien inconditionnel de la Maison Blanche en raison du lobby juif American Israeli Public Affairs Committee AIPAC aux USA dont le budget et la mainmise ne cesse d’augmenter. Joe Biden n’a jamais dissimulé sa profonde affection vénération pour l’État hébreu. Pour preuve, Joe Biden, un grand allié de l’ostrogoth Israélien Netanyahu, n’a-t-il pas répété en citant cette phrase de son père « Si Israël n’existait pas, il faudrait l’inventer »

Le premier Ministre israélien Benyamin Netanyahu n’a-t-il pas accueilli le Joe Biden, Joe Biden, à sa descente de l’avion, à Tel-Aviv, le 18 Octobre 2023 ? Depuis 1973, le président Américain a rencontré tous les premiers ministres israéliens depuis Golda Meir. Lors de sa visite à Tel-Aviv, Joe Biden n’a-t-il pas rappelé en conférence de presse, qu’il y a 75 ans, 11 minutes après la création d’Israël, les États-Unis, dont le président était Harry Truman, étaient le premier pays dans le monde à le reconnaître. Joe Biden n’a-t-il pas argué  » Il ne faut pas nécessairement être juif pour être sioniste »

Dans la biographie The Last Politician, l’auteur Franklin Foer consacra tout un chapitre intitulé Hug Bibi tight sur la relation entre Joe Biden et Benyamin Netanyahu, l’actuel premier ministre israélien. Les deux hommes se connaissent depuis plus de 40 ans. Ils se seraient rencontrés dans les années 1980, lorsque Benyamin Netanyahu travailla à l’ambassade d’Israël à Washington.

Aussi avant lui, Donald Trump n’a-t-il pas reconnu le 6 Décembre 2017 Jérusalem comme capitale d’Israël, en transférant l’Ambassade Américaine le 14 Mai 2018 de Tel Aviv à Jérusalem ? Donald Trump n’a-t-il pas reconnu la souveraineté d’Israël sur le plateau Syrien du Golan ? Donald Trump n’a-t-il pas protesté contre la colonisation illégale d’Israël à Jérusalem-Est et en Cisjordanie ?

Ce long récit montre que non seulement le multilatéralisme est en panne d’inspiration sur le dossier de Gaza, mais aussi sur d’autres échéances urgentes à l’instar du climat, désarmement, justice pénale internationale, droits de l’homme, commerce mondial, santé, où les organisations internationales comme l’ONU peinent à agir, notamment face à l’unilatéralisme des États-Unis. 

Ces épisodes des relations humaines conflictuelles reflètent invariablement la posture des rapports de force en présence : Jusqu’à l’affabulation du multilatéralisme avec la Société des Nations, puis l’ONU, c’est une approche dichotomique, booléenne et manichéenne, de vainqueur et de vaincu, qui prévaut, quel que soit le nombre d’affrontés. L’organisation multilatérale Onusienne, dans sa création, est fille de puissants. Les hommes d’Etat étasuniens, notamment Franklin Delano Roosevelt n’ont pas été les principaux architectes de l’organisation ?

Les grandes lignes de sa charte n’ont-elles, pour la plupart, été négociées par les plus puissants ? Les tractations d’Dumbarton Oaks portant sur l’ossature de l’ONU (21 Août au 7 Octobre 1944), réunissent l’Ex-Union soviétique, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine (arrivée plus tardivement). Le veto des membres permanents du Conseil de sécurité n’est-il pas introduit par la La conférence de Yalta, tenue du 4 au 11 février 1945 dans le palais de Livadia, situé dans les environs de la station balnéaire de Yalta en Crimée, où se rencontrèrent les principaux responsables de l’Union soviétique (Joseph Staline), du Royaume-Uni (Winston Churchill) et des États-Unis (Franklin D. Roosevelt) ?

En somme, outre l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le génocide pur et dur de Gaza  a démoli l’ordre international libre et ouvert et montre ostensiblement les fissures du  multilatéralisme et les valeurs fondamentales des démocraties libérales, des droits humains et de l’État de droit, qui a apporté la paix, la stabilité et la prospérité au monde post-Guerre Froide.

L’ignominie est un outil de choix dans l’arsenal génocidaire de Gaza, car c’est en déniant l’humanité des membres d’une communauté que l’on justifie son avulsion et déracinement. La contexture de ces propos semble pourtant échapper sans réserve aux puissances occidentales, qui se confinent à multiplier les encouragements à la légalité, à des trêves et de promesses d’expédier quelques convois humanitaires.

La dénonciation des crimes de guerre, le rappel du droit sont, in fine, les seuls outils dont disposent les organisations de la société civile et des citoyens pour appeler à faire cesser le massacre d’une population.

Ces appels peuvent-ils se traduire en demandes politiques concrètes des États qui, aujourd’hui, font l’autruche yeux sur une catastrophe humanitaire : Exiger un cessez-le-feu sur Gaza, et assurer un ravitaillement suffisant et immédiat des civils ?

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