Souvent, on taxe l’Afrique d’un continent où la dictature bat des records, où la corruption gangrène les économies africaines et où les règles de la démocratie ne sont guère respectées. Seulement, voilà depuis le fameux tumulte politique du printemps Arabe, le Maroc s’en sortit vaincu et a fait la première exception jalonnée par la Constitution du 30 Juillet 2011, et vient en suite la Tunisie à travers les dernières élections présidentielles où le candidat indépendant Kais Saied a été élu Président de la Tunisie avec 73% des voix.
De ce fait, nous pensons que la récurrente phrase que l’Afrique n’a jamais été pas un site de démocratie et de démocrates n’est qu’une boutade et gageure et la perception impérialiste qui voudrait décontenancer la mainmise Occidentale sur l’Afrique est plus que jamais anachronique.On peut multiplier les exemples à travers l’Afrique du Sud avec le combat de longue haleine d’Alias Papa Madiba, Nelson Mandela en l’occurrence, ou le Rwanda qui a fait des bonds de géant sur les plans économique et humain après un pénible génocide et un tortueux chemin vers la démocratie.Aujourd’hui, l’illustration démocratique émane d’un pays frère, voisin et limitrophe, situé dans une aire très minée par des abasourdissements et de tohu-bohu qui est la Tunisie..
Les dernières élections présidentielles Tunisiennes ont requis de la part des médias internationaux une bienveillance singulière : A l’une, les articles des journaux les plus réputés sur l’arène des médias internationaux n’ont pas asséché de mettre en piédestal l’exception Tunisienne. Ainsi, aux USA, les prestigieux New York Times ou le Washington Post, en France, le Monde, en Allemagne le Der Spiegel, et en Espagne El País ont tous jetés l’encre de leur plume et leurs ondes sur les urnes tunisiennes qu’ils ont qualifiées d’sensationnelles.
Très vite, après la Révolution du Jasmin, nos confrères Tunisiens ont pigé qu’un microcosme démocratique réussi passe inlassablement par un « prorata » des pouvoirs. D’ailleurs grâce à ce partage des pouvoirs, quoiqu’il a une connotation péjorative, que la première chambre de Carthage a préconisé un système parlementaire où les prérogatives du chef de l’exécutif transcendent ceux du Président de la république Tunisienne. A travers ce partage du pouvoir, le parlement prémunit solennellement la volonté populaire des Tunisiens exprimée par les urnes et ce pour éviter toute éventualité de frénésie du président de la Tunisie.
Au regard de ces défis, la Tunisie a gagné la confiance de ses citoyens et l’estime international.La transition politique Tunisienne a irréfutablement authentiqué des prouesses notables avec l’intronisation de l’Etat de droit, l’éclaircie de la transparence, de la bonne gouvernance et du respect des libertés fondamentales. Ces « métempsycoses » de l’espace public et du paysage politique ont permis à la Tunisie d’ouvrir un nouveau chapitre dans son histoire moderne avec le crépuscule du despotisme et l’émersion d’une nouvelle démocratie.
Ainsi, l’arène politique a connu une grande avancée et moult partis politiques, d’associations et d’organisations de la société civile ont vu le jour, donnant au paysage politique Tunisien une diversité et une richesse qu’il n’a jamais connues par le passé.

En sus, l’espace médiatique qui a été muselé du temps du tortionnaire Zine Abidine ben Ali a connu une extraversion de la parole et un accroissement de ses supports médiatiques aussi bien dans l’audiovisuel que dans la presse écrite mais aussi sur le net. Cette ardeur politique, médiatique porte la Tunisie depuis 2011 et en a fait une grande officine d’idées et de nouvelles pratiques politiques et sociales.Mais, si Jasmin a franchi des pas importants dans le domaine de la transition politique, la transition économique, elle, reste en panne d’inspiration.
Sous cet angle, le nouveau président Tunisien et son Team qui sera formé très prochainement aura du pain sur la planche, puisque plusieurs chantiers et dossiers économiques sont en mode stand by :
D’abord, la croissance économique, même si elle a connu un léger rebond, reste minuscule et inhabile à enchaîner une nouvelle dynamique économique et sociale porteuse d’emploi, d’investissement et d’espoir.
Aussi, les deniers publics traversent une grande crise économique qui a été à l’origine d’une envolée fulgurante de l’endettement public.
Au niveau des échanges commerciaux et financiers, ne faut-il pas mettre en lumière les déséquilibres qui plombent la balance courante et la baisse inexorable des réserves de change ?
Parallèlement à ces achoppements macroéconomiques, il faut, en outre, souligner les entraves structurelles qui se matérialisent avec la chute de l’investissement et l’attentisme de plus en plus marqué des investisseurs. Les retards accusés dans les réformes économiques ne sont-ils pas à l’origine des écueils dans les négociations avec les institutions internationales et particulièrement le FMI ?
Comparativement à l’économie Marocaine, le modèle de développement Tunisien n’arrive pas à sortir du tunnel basé sur les faibles coûts de main-d’œuvre pour structurer un nouveau modèle de développement et entrer de plein-pied dans l’ère des industries 5.0 étayée sur la qualité et la formation de la main d’œuvre.

L’ensemble de ces dénonciateurs sont éloquents et significatifs non seulement d’une déliquescence de la situation économique, mais aussi d’une transition économique en débrayage. Une situation qui émane de l’immobilisme et l’inertie qui a singularisé les politiques économiques durant les deux dernières années en entrainant l’économie Tunisienne vers le tumulte économique.
Aujourd’hui, en dépit des éloges et argumentaires triomphalistes, le modèle Tunisien reste économiquement en point mort et « endure » les plus grandes contrariétés à retrouver les pistes d’une dynamique économique et sociale solide.
Cette crise économique a été à l’origine de remous sociaux sans égal et de l’envolée des mécontentements qui s’expriment tantôt de manière organisée et tantôt de façon agressive.
Ces manifestations ne nous rappellent-elles pas les promesses non tenues du printemps Arabe ?
Ainsi, le malaise des jeunes chômeurs qui les a mis parfois sur l’itinéraire d’un aventurisme politique courtisant avec les extrêmes ou sur des bateaux d’Eldorado, et les fureurs des régions désenclavées dans l’effort de développement laissent beaucoup à désirer.
Curieusement, en dépit de la gravité de la crise économique qui sape la Tunisie, les questions économiques ont été écartées dans le débat public. Ce constat est d’autant plus préoccupant que la situation économique ne cesse de se dégringoler et que la Tunisie piétine à réaliser sa transition économique et l’édifice d’un nouveau modèle de développement durable et inclusif.
Aujourd’hui, il est temps de mettre l’instance économique au cœur du débat public avec l’élection du nouveau président Kais Saied. Il est un Must de prendre à bras-le-corps les challenges économiques pour leur apporter des répliques nouvelles et sortir ainsi des sentiers battus qui ont été suivis depuis quelques années.
Nous pensons, en guise de conclusion, que pour sortir de taciturnité économique et sociale, le nouvel exécutif de Carthage doit de sortir de l’attentisme et de la tergiversation en dénouant avec les choix conformistes et stéréotypés qui ont jalonné les politiques économiques et mettre du front dans l’action politique et économique.

In fine, l’action politique, économique et sociale doit désormais s’inscrire dans une optique effrontée et volontariste en ouvrant de nouveaux horizons féconds à la transition politique et redonner l’espoir dans la capacité de la Tunisie à répondre à la « desiderata » de la Révolution afin de réussir la deuxième exception Tunisienne dans l’orbite de l’emploi, de la liberté et de la dignité nationale. Bon vent à Jasmin !!