Home Non classé Quel financement de la Gouvernance en Afrique à l’ère d’une géopolitique mondiale en recomposition?

Quel financement de la Gouvernance en Afrique à l’ère d’une géopolitique mondiale en recomposition?

by Mustapha Maghriti

Après quatre années de stagnation presque totale, la gouvernance globale en moyenne sur le continent Africain a cessé de progresser depuis 2022, alors que la montée des conflits et de l’insécurité ainsi que le rétrécissement de l’espace démocratique ne cessent de se dégrader. En effet, selon le dernier rapport Ibrahim Governance présenté à Marrakech,  à l’occasion de l’édition 2025 du «Ibrahim Governance Weekend », qui s’est tenu sous le Haut Patronage du Souverain Marocain, l’Indice Ibrahim de la Gouvernance IIAG en Afrique 2024 qui évalue les performances et les tendances de la gouvernance publique dans les 54 pays Africains portant sur la décennie 2014- 2023, la gouvernance sur le continent africain a cessé de progresser, alors que sécurité et démocratie continuent de se dégrader, compromettant les avancées substantielles réalisées en matière de développement humain et économique.

Faut-il rappeler que la Fondation Mo Ibrahim a été crée en 2006 par l’homme d’affaires Mo Ibrahim. Basée à Londres et à Dakar, au Sénégal, elle œuvre au renforcement de la gouvernance et du leadership en Afrique à travers ses initiatives clés: stimuler le débat sur la gouvernance, fournir des critères permettant aux citoyens et aux gouvernements de mesurer les progrès accomplis en matière de gouvernance, saluer la réussite en matière de leadership sur le continent Africain et fournir aux dirigeants d’excellence les moyens de continuer à contribuer à l’avenir de leur continent à l’issue de leur mandat national, et, enfin, conforter les futurs dirigeants du continent Africain. Et Commentant les résultats de l’IIAG 2024, Mo Ibrahim, fondateur et président de ladite Fondation, a déclaré : « L’IIAG 2024 nous rappelle froidement la menace que l’aggravation de la crise sécuritaire et le rétrécissement de l’environnement participatif font peser sur les progrès de l’Afrique. Certes, cette situation reflète aussi la crise mondiale. L’escalade des conflits et la méfiance croissante à l’égard des institutions et des valeurs démocratiques ne sont pas le seul apanage de l’Afrique. Ils s’observent partout dans le monde. Mais cette situation est particulièrement préoccupante en Afrique, car elle remet en jeu les progrès accomplis en matière de développement économique et social et les challenges du futur.

Aussi, dans une géopolitique mondiale en pleine recomposition, dans un contexte international marqué par l’incertitude stratégique, le retour de la guerre en Europe bouleversée par la guerre en Ukraine, la fragmentation potentielle de l’OTAN et la montée des tensions sino-américaines, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les rivalités systémiques entre grandes puissances et la fragmentation du multilatéralisme, l’Afrique subit de plein fouet les rejaillissements des crises multidimensionnelles de l’économie mondiale, notamment l’aggravation de la pauvreté, l’exclusion sociale et les dissonances entre pays et régions. Ces vulnérabilités amenuisent l’efficience des contenances menées pour la réalisation des Objectifs de Développement Durable ODD à l’horizon 2030, et réduisent à peau de chagrin, la concrétisation de l’objectif d’une Afrique florissante et prospère.

Toutefois, ces challenges conjoncturels ne doivent pas dissuader les décideurs Africains de l’ambition d’aller de l’avant. Encore plus, l’Afrique doit transsubstantier ces contraintes en opportunités de croissance, de développement et prendre le contrôle complet de sa destinée, propos du discours Royal Souverain Marocain adressé aux participants à l’édition 2025 du Forum « Ibrahim Governance Weekend » qui a ouvert ses travaux dimanche 1 Juin 2025 à Marrakech dont la lecture a été donnée par le conseil Royal André Azoulay.

Aussi, au regard de l’émergence d’un ordre mondial fragmenté, marqué par de fortes tensions géopolitiques, des réalignements économiques, les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement un retour du protectionnisme incarné par la montée des droits de douane, repenser l’intégration économique de l’Afrique, renforcer ses capacités financières et libérer son potentiel commercial s’avère un objectif incontournable évoqué à Abuja au Nigeria lors des 32éme Assemblées annuelles d’Afreximbank autour d’un thème évocateur « Construire l’avenir sur des décennies de résilience » qui ont réunis les dirigeants Africains pour poser les bases d’un nouveau modèle de résilience continentale. A ce titre, l’intégration économique du continent noir  est une nécessité impérieuse dans une géopolitique mondiale agitée où la part de l’Afrique dans le commerce mondial ne dépasse pas les 3%. De même, quoique le commerce intra-africain a progressé de 12,4 %, atteignant 1 500 Milliards de dollars, selon le dernier rapport annuel de la Banque Afreximbank, ces échanges représentent seulement 16% du volume total du commerce dans le continent, contre 60% en Europe et 50% en Asie.

De ce fait, le lancement de la Zone de Libre-échange Continentale Africaine ZLECAF constitue une réelle aubaine pour aiguillonner le commerce entre les pays africains et en faire un catalyseur de croissance et de développement durable pour l’Afrique, promouvoir l’industrialisation et renforcer la flexibilité des économies africaines et leur attractivité pour les investissements directs étrangers IDE.

Par ailleurs, dans l’ambition de créer une séquence vertueuse porteuse de croissance, d’investissements et d’emplois, il est primordial d’accélérer les réformes relative à la bonne gouvernance, à l’amélioration du climat de l’investissement des affaires, au renforcement de la transparence, à la protection des investisseurs, à la lutte contre la corruption, à l’indépendance et l’impartialité du système judicaire afin de garantir un entreprenariat fertile et dynamique

En outre, avec un potentiel considérable en ressources minières, énergétiques, hydriques, agricoles et biologiques, ainsi que  40 % des réserves mondiales de matières premières et 30% des minéraux critiques, l’Afrique ne peut plus se contenter d’exporter ses matières premières. L’Afrique de tirer pleinement parti de ses énormes richesses à travers une industrialisation garantissant l’investissement dans la transformation et la valorisation locale de ses richesses naturelles, la création de chaines de valeur régionales à même de créer des valeurs ajoutées et des emplois, de générer des revenus destinés à financer son développement comme il a été souligné dans la rhétorique Royale.

Dans ce contexte, le Royaume ne s’affirme-t-il pas, dorénavant, comme un catalyseur stratégique des partenariats Africains et joue, de ce fait, un rôle raccordement entre les différentes régions du continent et les pays du Sud à travers  lancement des projets structurants qui vont moduler robustement le paysage économique et social de l’Afrique à l’instar du Gazoduc Africain Atlantique (AAGP) qui constitue une véritable coursive d’intégration et de développement économique ou récemment l’Initiative Atlantique qui va changer la géopolitique de l’Afrique via  l’accès des Etats du Sahel à l’Océan Atlantique. A ce titre, faut-il souligner que l’Afrique atlantique comme espace de partenariat ne peut en aucun cas être en concurrence avec l’Union Africaine et les organisations sous régionales. Elle devrait être perçue comme une dynamique complémentaire au processus d’institutionnalisation de la gouvernance de l’Afrique.

Et pertinemment, pour assurer une telle dynamique économique et mener à bien ses réformes économiques, politiques et sociales, la mobilisation des ressources financières demeure une condition sine qua non à la réalisation d’une croissance perdurable et inclusive des économies Africaines.

Sous cet angle, le Souverain Marocain appelle à un changement de paradigme dans le financement du développement où l’Afrique est interpellée à une plus grande mobilisation de ses ressources financières domestiques et à l’édification de réformes structurelles pour consolider le cadre macroéconomique. En sus, elle doit mettre au point des mécanismes innovants de financement du développement et bénéficier diligemment des transferts financiers de la diaspora Africaine. A cet égard, l’Afrique ne peut pas compter exclusivement sur l’Aide publique au développement ou les financements externes qui sont, par essence, engendreurs de dettes.

A cet égard, les efforts doivent donc être déployés sur les volets national, régional et international pour colmater les carences du financement de la gouvernance pour accoucher une Afrique resplendissante et dynamique.

Néanmoins, à l’approche de l’agenda 2030 du Programme de Développement Durable adopté par les Nations Unies en 2015 visant à éradiquer la pauvreté, réduire les inégalités et protéger la planète d’ici 2030, l’apostrophe du financement du développement de l’Afrique doit interpeller les chefs d’État et de gouvernement, les dirigeants politiques et intellectuels pour le prochain Sommet sur les ODD ; objectifs qui s’enlisent dans la crise climatique, les fluctuations économiques, les conflits et les tensions géopolitiques.

L’accès aux financements concessionnels à des prêts à taux d’intérêt bonifiés, le renforcement des capacités des institutions financières régionales pour soutenir les économies africaines, l’amélioration de la représentation de l’Afrique, dans toute sa diversité, au sein du système financier international, la réduction des taxes sur les transferts de fonds de la diaspora africaine, ne sont-ils pas autant de réclamations et des doléance légitimes auxquelles il convient d’apporter des répliques ?

Sous cette option, La Quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FFD4) qui se tiendra au Palais des expositions et des congrès FIBES de Séville en Espagne, du 30 juin au 3 Juillet 2025 représentera une opportunité unique de réformer le financement à tous les niveaux, y compris en donnant une impulsion à la réforme de l’architecture financière internationale, et de relever les défis qui freinent l’investissement urgent nécessaire à la réalisation des Objectifs de développement durable.

Dans le même ordre d’idées, 10 ans après l’Agenda d’Addis-Abeba, cette 4ème Conférence Internationale sur le Financement du Développement visant à répondre aux défis actuels (crise de la dette, inégalités croissantes, urgence climatique et fragmentation des financements) sera une occasion inouïe à établir un cadre mondial renouvelé de financement permettant de mobiliser des volumes de capitaux plus importants à moindre coût et permettra aux pays Africains, confrontés à des taux d’endettement trop importants, consacrent davantage de ressources au service de la dette qu’à des secteurs essentiels comme la santé ou l’éducation, de poursuivre leur dithyrambe en faveur de solutions urgentes.

La Quatrième Conférence internationale sur le financement du développement doit  repenser les mécanismes financiers mondiaux au service du développement durable à travers un débat substantiel sur la refonte de l’ossature financière internationale qui devrait adopter une approche multilatérale, engageant fondamentalement les économies Africains qui sont trop souvent exclues dans le processus d’élaboration des règles du système monétaire et financier mondial.

Ce remodelage financier inéluctable doit assurer, plus singulièrement, la consolidation de la représentation légitime de l’Afrique au sein des instances financières internationales, permettant d’avoir des solutions innovantes, solidaires et adaptées aux réalités des économies Africaines.

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