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PIB potentiel : Un outil heuristique aux décideurs publics pour un vrai potentiel de l’économie Marocaine

by Mustapha Maghriti

Comment supputer le sentier d’une économie? Comment estimer s’il croît trop vite ou trop lentement, s’il dispose de marges de croissance inutilisées ou si au contraire il est sur le point de rassasier ses capacités de production? S’il y a lieu de soutenir l’activité ou au contraire de la freiner? A priori, ces apostrophes peuvent surprendre. Ne dispose-t-on pas de mesures de la croissance économique, du chômage et de l’inflation? Ne peut-on considérer simplement qu’un niveau élevé de chômage dénote d’une sous-exploitation des ressources de l’économie, qui appelle une politique de relance? Et qu’à l’inverse, une inflation qui s’accélère est l’énonciation d’une surchauffe de l’économie, qui justifie une politique de stabilisation? 
La réponse réside dans le PIB potentiel : Au moment où le PIB réel mesure la croissance telle qu’elle est à travers la sommation des valeurs ajoutées, le PIB potentiel enseigne sur le niveau de croissance qu’une économie pourrait atteindre si toutes ses ressources productives étaient exploitées. 
Il résulte d’une modélisation de l’économie, étayée sur une estimation de l’évolution de la quantité de travail disponible, de l’évolution du capital disponible et des gains de productivité réalisés par les entreprises (« productivité globale des facteurs »), souvent assimilés au progrès technique. Si la croissance effective est supérieure à la croissance potentielle, l’économie bénéficie d’une série de facteurs favorables au budget de l’Etat : création d’emplois, baisse du chômage, diminution des aides sociales et des indemnités chômage, augmentation des rentrées fiscales.

Quel est l’intérêt du PIB potentiel pour l’économie marocaine?
D’abord, la mesure du PIB potentiel est essentielle au pilotage des politiques économiques et plus singulièrement la politique budgétaire, puisque les programmes de consolidation budgétaire s’accoudent sur son estimation afin de prédéfinir une cible de déficit conjoncturel puis structurel. A titre illustratif, une baisse du PIB potentiel diminue le déficit conjoncturel (PIB potentiel – PIB observé ; ou « output gap ») et lamine ainsi le déficit structurel (déficit observé – déficit conjoncturel) rendant nécessaire une consolidation des finances publiques. De ce fait, le PIB potentiel détermine quand et à quel seuil le déficit public doit être corrigé.
En sus, c’est un indicateur qui permet aux pouvoirs public de mesurer le seuil maximum que la production Marocaine pourrait atteindre avec un meilleur suivi des fluctuations conjoncturelles et partant de conduire plus efficacement la politique économique à moyen et long terme. L’écart entre PIB réel et potentiel est donc un indicateur de la capacité inutilisée d’une économie. La distinction entre les deux aide aussi les décideurs politiques à choisir la politique à adopter : si le potentiel de croissance est faible il faut agir sur l’offre et non sur la demande. 
Il est inutile de comparer le taux de croissance d’un pays à fort potentiel, comme le Maroc, compte tenu, précisément- ce peut paraître paradoxal- de son gap économique, à des taux de croissance des pays développés dont les économies ont atteint leurs summums, en termes de facteurs de production et de technologies et leurs productions réelles ayant dépassé le niveau de leurs productions potentielles. A titre illustratif et pour s’en rendre compte, il suffit d’observer les taux de croissance économique enregistrés dans les pays émergents qui sont de l’ordre de 5 à 7%, au moment où dans les pays de l’UE, les taux avoisinent zéro et la croissance se recroqueville. 

Notre pays pâtit d’une sous-exploitation de ses ressources, qui représentent autant de marges de croissance pour relancer son économie. A l’appui de notre assertion, imaginez si notre pays parvenait à normaliser le secteur de l’informel qui génère un PIB de 70% du PIB réel ; imaginez si les entreprises du secteur formel s’en tenaient à la transparence financière pour cesser de ne déclarer que 75% de leurs chiffres d’affaires effectifs ; imaginez si l’on mettait un terme à l’évasion fiscale ; imaginez si notre pays arrivait à mettre en valeur ses terres arables, qui ne sont exploitées qu’à concurrence de 20% ; imaginez …….et imaginez. Notre taux de croissance ne sera pas moins de 7 à 9% et c’est notre taux de PIB potentiel. Or, jusqu’ici le Maroc peine à faire des taux de 1,5 à 2% très loin de son potentiel, ce qui converge avec l’étude « Diagnostic de croissance du Maroc – Analyse des contraintes à une croissance large et inclusive » réalisée conjointement entre le Royaume du Maroc, la Banque Africaine de Développement (BAD) avec le Millenium Challenge Corporation (MCC) américain qui souligne que l’économie Marocaine affiche un taux de croissance qui demeure en deçà de son potentiel, nourrie surtout par la consommation (publique et privée), alors même que le Maroc peut se targuer d’afficher un taux d’investissement parmi les plus élevés au monde.
Il sied donc mieux à nos décideurs publics Marocains de raisonner en termes de taux de croissance potentiel avec des points d’étapes annuels pour apprécier le comportement de notre économie pour, in fine, mieux régenter les politiques économiques.

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