
Naguère , des chamboulements, des cataclysme, des ébranlements et des nouvelles tendances mondiales lourdes , comme les changements géopolitiques, l’effacement des frontières des échanges commerciaux, la numérisation, les modulations technologiques, l’évolution des modèles d’affaires n’ont cessé de bouleverser la notion d’incertitude et partant du processus décisionnel.
Toutefois, la pandémie de la COVID-19 a chamboulé de fond en comble notre conception collective de l’incertitude, car il n’y a pas de mésaventures analogues à la crise CORONAVIRUS au cours du dernier siècle. L’humanité a été sapée par les épidémies de grippe, économiquement le lundi noir, financièrement le jeudi noir de 1929 et la crise financière de 2008. Le monde a vécu des menaces et des catastrophes qui ont eu des retombés géopolitiques mondiales, régionales ou nationales : Tchernobyl dans les années 80, l’invasion du Koweït par l’Irak durant les années 90, les attentats du 11 septembre 2001, les ouragans et les Tsunamis. Cependant la pandémie de la COVID-19 demeure unique : c’est une crise assurément planétaire avec des contrecoups plus profonds et plus complexes que toute autre crise que les décideurs actuels ont pu observer et/ou subir avec une incertitude totale.
En effet, la mise en place de confinements dans de nombreux pays en mars 2020 a poché toutes les boules de cristal de la conjoncture économique aussi bien international (Banque mondiale, Observatoire français des conjonctures économiques OFCE) que national (HCP, DEPF, Bank-AlMaghrib….) dans un hermétisme inédit. L’économie internationale virevoltait paresseusement : Certains économistes dissertaient de « congélation ou cryogénie » tandis que d’autres préféraient le récit d’une double perturbation : Choc d’offre et choc de demande (Boyer, 2020).
On ne peut que saluer, dans ce contexte opaque et brumeux, les efforts laborieux des entités de prévision et d’analyse économique qui pronostiquaient moult estimations de la chute d’activité (FMI, INSEE….etc). Puis vinrent graduellement les premières prévisions du Produit Intérieur Brut (PIB) au niveau national et de sa variation (DEPF, HCP ou des think thank à l’instar du CMC,).
Au temps du premier dur confinement de Mars 2020, les premières estimations du HCP et de la DEPF sur la chute d’activité se sont avérées assez approuvables si l’on prend en considération la situation dans laquelle elles ont été produites.

Pour les conjectures, c’est un peu plus compliqué : Le HCP ne s’y est pas risqué et a privilégié des publications se rapprochant d’une prédiction en temps réel qui réduit l’horizon temporel de la projection. En effet, assonancées et rythmées par les annonces gouvernementales quotidiennes et les évolutions de la situation épidémiologique, les prophéties économiques ne pouvaient qu’être modifiées très régulièrement ou prendre la forme de scénario.
Contrairement en théorie économique pure chez Walras, c’est tout le paradoxe de l’information en situation de crise : la demande de prévisions et d’analyses s’accroît tandis que les conditions de l’offre rendent épineuses leur production. Ces chiffres sont manifestement importants pour le milieu des affaires économiques puisque ces derniers ont besoin de visibilité pour investir et développer des projets à moyen et long termes. Mais ils le sont tout autant pour les acteurs politiques, et ce pour deux raisons :
– La première est intuitive : La mise en place d’une politique économique implique que les décideurs jouent un rôle économique majeur en organisant et rationalisant les choix de l’acteur majeur qu’est l’État.
– La seconde, plus rarement explicitée, est que les données prévisionnelles en singulier et les statistiques économiques en général constituent un critère décisif de l’évaluation des dirigeants en place, et, à ce titre, jouent un rôle considérable dans les processus politiques.
Au Maroc, la pandémie du Covid-19 nous a fait onduler dans une ère d’incertitude irrévocable où le présent est insaisissable, le futur est imprévisible et le passé devient incompréhensible, ce qui rend toute prédiction montagneuse et toute stratégie hasardeuse et de charybde en scylla, l’arrivée improvisée du variant Omicron semble, de ce fait, entraver les pronostics de croissance pour 2022. Et même si les supputations laissent à penser qu’Omicron peut sonner le glas de la pandémie du coronavirus, les corollaires économiques de l’émergence de ce nouveau variant n’en sont pas subalternes.
Ainsi, selon le dernier document de l’agence de notation financière internationale Fitch Solutions, l’économie marocaine devrait avancer au ralenti en 2022 : Selon les prévisions du document, la croissance du PIB réel s’établira à 3,2%, contre une prévision initiale de 3,4%. Fitch Solutions augure d’une décélération de la croissance économique en 2022 eu égard aux répercussions de la propagation du variant Omicron au niveau national et international.
En sus, l’enclos du ciel Marocain a affecté sèchement le tourisme (deuxième principale source de financement extérieur avec une perte en devise estimée à 90 Milliards de dhs) et entraîna un rebond plus lent que prévu de l’industrie du tourisme, qui représente plus de 15% du PIB.
Même si les estimations de l’OMS que le virus Omicron est moins virulent que le delta, il est fort probable que le monde continuera à lutter contre Omicron à des degrés divers.
Ainsi, le variant Omicron causera, manifestement des incertitudes sur la conjoncture 2022, et ce, en dépit d’un fort rebondissement de la demande mondiale depuis plusieurs mois. Il pourrait bien que temporaire, entraîner des arrêts de commande dans les entreprises et perturbera de nouveau les chaînes de valeurs mondiales.
A cet égard, plusieurs apostrophes nous interpellent : Quelles seront les conséquences à court, moyen et long terme de nos réactions, et des diverses solutions que les pays mettent en œuvre ? Comment la crise risque-t-elle de modifier nos façons de vivre et de travailler dans l’avenir ? Quelle incidence la crise aura-t-elle sur les relations entre les principaux pays et à l’intérieur même de ces pays ? Comment le rôle – et la dépendance – d’un pays à l’égard des chaînes d’approvisionnement mondiales et des échanges commerciaux changera-t-il, selon ses réactions à la crise ?
Aucun pays, aucune entreprise, aucune équipe de direction ni aucun leader ne pourra se mettre à l’abri des répercussions subites de la COVID-19. Aucune stratégie ne s’en sortira parfaitement indemne, la pandémie du Covid-19 a bel et bien placé l’incertitude non seulement comme une nouvelle contrainte, mais en plus comme un nouveau paradigme qu’il faudra appréhender comme élément consubstantiel de toute politique publique, ainsi que pour toute décision du milieu des affaires de la sphère privée.
De fait, nous devrons non seulement vivre avec ce virus pendant un certain temps, mais somme toute apprendre à nous planifier et projeter différemment.

De fait, nous devrons non seulement vivre avec ce virus pendant un certain temps, mais somme toute apprendre à nous planifier et projeter différemment.
Les pires ennemis des bonnes décisions en ces temps de crise ne sont ni l’incertitude ni l’ambiguïté; ce sont plutôt les excès de confiance. Cette façon de faire n’élimine pas les incertitudes et n’apaise pas les doutes, mais elle devrait donner aux dirigeants le courage et la conviction nécessaires pour mener leurs entreprises à bon port en cette période tumultueuse.
Andy Grove, le génial fondateur d’Intel, n’avait-elle pas une théorie sur l’adaptation au changement avec son célèbre aphorisme » Seuls les paranoïaques survivent. «