C’est un secret de polichinelle que l’absence d’équité soit une cause de profonds remous dans tous les pays de la région Moyen-Orient et en Afrique du Nord MENA. Une politique fiscale bien ficelée a un rôle important à jouer, corrélativement aux politiques macro-économiques et aux réformes structurelles qui boostent la croissance et un accès équitable aux opportunités économiques. Les recettes, qu’elles soient issues des impôts ou des taxes, peuvent servir à soutenir la croissance et assurer une meilleure répartition de la richesse et du bien-être économique et social en permettant des dépenses très sollicitées en demande sociale tel la santé, l’éducation et les infrastructures.Aussi, une fiscalité équitable peut également contribuer à répliquer aux pétitions et aux conjurations en faveur d’une meilleure équité et de meilleures perspectives socio-économiques, dans la mesure où les régimes fiscaux constituent une interface et une jonction essentielle entre l’État et ses citoyens.Le Fond Monétaire International www.ifm.org , prosélyte et zélateur des politiques de l’offre, de la réduction drastique des dépenses publiques et des contraintes fiscales et administratives qui plombent le climat de l’investissement, s’éloigne progressivement des sentiers ultra libéraux de l’école de Chicago. En effet, les auteurs des services du FMI, Andrew Jewell, Mario Mansour, Pritha Mitra, et Carlo Sdralevich dans leur rapport « Fiscalité équitable au Moyen-Orient et en Afrique du Nord » publié en ce début de Septembre 2015, s’attaquent bataille frontale à la fiscalité de la région MENA, comme source de rugosités sociales. L’institution de Christine Lagarde constate que la région n’a pas fait évoluer ces taux d’imposition depuis bien une belle lurette, une vingtaine d’années environ, et présente en moyenne arithmétique des taux plus bas que l’ensemble des pays en voie de développement PED.

Selon les auteurs de l’institution de Breton Woods, l’amélioration de l’équité fiscale contribuerait à une meilleure efficience de l’impôt, que l’introduction de plus de transparence permettrait de recueillir une meilleure inhérence citoyenne aux réformes fiscales et que les réformes des systèmes d’imposition s’avèrent être un outil de redistribution plus efficient que les dépenses socialesLe rapport de l’institution de Washington constate que la distribution de l’impôt est loin d’être progressive dans les pays de la région MENA, et que les exemptions fiscales profitent plus largement aux hauts revenus, compromettant l’optimalité des prélèvements fiscaux. C’est le cas du Maroc où les exemptions fiscales profitent davantage aux ploutocrates. Aussi, les dépenses fiscales (exemptions ou allégements) de la TVA bénéficient plus aux Crésus qu’aux pauvres: A l’appui de leur dires et en s’étayant sur le fameux coefficient de Gini, le quintile des revenus le plus haut profite de 40% des dépenses fiscales liées à la TVA, alors que le cinquième le plus bas n’en reçoit que 10%. De surcroît, les exonérations de TVA, qui représentent 41% des dépenses fiscales au Maroc, amputent sensiblement l’assiette de l’impôt.Dans la même trame fiscale, les taxes d’accise – portant sur la quantité et non sur la valeur du produit ad valorem – au lieu de s’appliquer aux produits consommés par les ménages les plus friqués, portent au contraire plutôt préjudice aux ménages les plus disetteux.

De ce fait, la réforme des impôts visant plus d’efficience et d’équité fiscale demeure un chantier crucial de l’argentier du Royaume. Certes, des avancées en termes de progressivité ont été entreprises, comme le projet d’abaisser le nombre de taux de TVA de quatre à deux, la réduction du nombre d’exemptions, les taux de déductions de primes d’épargne-retraite, l’introduction d’une fiscalisation progressive du secteur agricole. Toutefois, il reste de nombreux aménagements possibles dans le sens d’une fiscalité plus équitable, à l’instar d’un élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu, l’augmentation du nombre de seuils d’impositions pour une fiscalité plus lisse, l’introduction d’une meilleure fiscalisation des propriétés mobilières et immobilières, ainsi que plus de transparence pour une meilleure adhésion à l’impôt. Su ce registre, la corruption continue à contribuer à la perception d’un système de taxation injuste et rend ardu la mise en place de réformes fiscales.De plus, le FMI note que la corruption introduit une distorsion fiscale entre les classes de revenus: les plus bas revenus sont plus exposés à l’extorsion des collecteurs d’impôts car ils n’ont pas l’opportunité de faire évader leurs revenus, à la différence des plus hauts revenus. En termes de transparence de l’imposition, le Maroc se situe à une place médiane parmi les pays de la région MENA, et talonne notre rival économique la Tunisie d’après les indices calculés par le Team du World Economic Forum www.weforum.orgNe faut-il pas souligner, dans cette chronique, que la lutte contre la corruption est en soi une mesure d’équité fiscale ? Que le fondement d’une bonne politique fiscale est la transparence ? Que l’égalité devant l’impôt implique l’égalité des hommes et réciproquement ? Les paradis fiscaux signifient que les hommes ne sont pas égaux devant l’impôt : certains y échappent, d’autres payent pour eux pour paraphraser Jean de Maillard dans son best seller « L’arnaque: La finance au-dessus des lois et des règles »Pour rendre la fiscalité plus équitable dans la région MENA et en singulier au Maroc, le staff de Christine Lagarde recommande des réformes, à l’instar de L’élargissement de l’assiette de l’impôt, l’élimination des conditions privilégiées de l’impôt sur le revenu des sociétés, l’accroissement de la progressivité des régimes fiscaux (en particulier de l’impôt sur le revenu des personnes physiques), et le renforcement du rôle de l’administration fiscale. En sus, l’élimination des exonérations sera essentielle pour améliorer l’équité et encouragera le civisme fiscal et la bonne administration, faisant sortir de l’ombrage moult activités informelles.Certes, ça va être dur, mais il faut aimer l’impôt pour reprendre l’expression de Bernard Maris Alias Oncle Bernard : C’est le socle de la démocratie et l’escroquerie à l’impôt est une escroquerie à la démocratie.A cet égard, Les autorités devront lutter contre la rénitence aux réformes qui découle d’intérêts acquis, d’une faible adhésion générale, et d’administrations fiscales rigides et peu enclines aux changements.Et comme dit l’adage ancestral » Une seule main ne suffit pas pour applaudir », d’où une plus grande équité fiscale ne peut pas être assurée par une politique économique à elle seule, mais il est inéluctable d’avoir une politique budgétaire en synergie avec les différentes formes de politiques économiques qui serviront à accompagner la croissance et assurer une meilleure répartition de la richesse et du bien-être économique et social.