Les politiques fiscales ne sont-elles pas entrain de devenir les panacées universelles à même à cicatriser les maux sociaux dans le monde ? Les Gouvernements et les responsables politiques s’apprêtent-ils à emmancher un changement racinaire dans les politiques fiscales afin de racheter la paix et faire face aux crises économiques et aux protestations sociales ? Ces Gouvernements sont-ils en train de revenir sur les politiques fiscales néolibérales qui ont prévalu dans le monde depuis l’efflorescence libérale du début des années 80 à l’instar de la « Reaganomie » entre 1980-1989 aux USA, et le « Thatchérisme » entre 1979-1990 en Grande Bretagne ?
Sur le marbre des faits économiques et sociaux, tout semble l’attester : Les promesses d’un grand nombre d’élus et de candidats aux dernières et prochaines élections dans plusieurs pays en sont la meilleure pièce à conviction.
Sur le vieux continent, l’apostrophe fiscale est au cœur du débat public. A titre illustratif, dans le pays de Molière, cette revendication n’a-t-elle pas été le catalyseur de la discorde des gilets jaunes dont on ne voit pas le bout du tunnel ? Ainsi, nonobstant des concessions de l’Elysée pour étancher les « desideratas » des gilets jaunes, la dénégation a été de retour sur l’annulation de l’impôt sur la fortune (ISF), promise par le Team Macron, lors de sa campagne électorale et votée par la majorité en décembre 2017, semble aujourd’hui cristalliser l’intérêt des manifestants qui en font le porte-étendard de leur offensive en faveur de la justice fiscale.
Cette querelle entre le Gouvernement et l’opinion publique n’est pas singulière à l’Europe, mais, elle semble également enfiévrer le débat outre-Atlantique : Dans le pays d’Oncle Sam, plusieurs candidats du parti démocrate mettent le bouton sur le levier fiscal et annoncent ostensiblement leur intention d’opérer d’importantes haussements des taxes sur les revenus aisés et les grandes fortunes.

Ces plaidoiries portant sur la fiscalité de certains responsables politiques ne sont-ils pas les précurseurs et les avant-coureurs du déclin d’une souveraineté libérale et les prémices d’une révolution qui remettraient en cause le credo des politiques fiscales néolibérales qui prédominaient durant le début des années 80 aux USA par Ronald Reagan, en Grande- Bretagne par la dame de fer Margaret Thatcher ou dans le cadre des réformes fiscales de 1984 au Maroc sous les auspices du FMI et de la banque mondiale et ce dans l’optique des Programmes d’Ajustement Structurel PAS ?
Ces dissidences sociales ne sont-elles pas les signes prodromiques de la déconfiture de la social-démocratie et de ses doctrines de justice sociale chantée en chorale par les courants d’obédience libérale (économie de l’offre, le courant des anticipations rationnelles, le courant monétariste..) ?
Dans cette mouvance néolibérale offensive, les gouvernements ont affiliés des politiques fiscales visant à minorer la pression fiscale sur les grandes fortunes qui étaient, la cible des politiques de l’Etat-providence jusqu’à la fin des années 70. Cette contre-révolution fiscale était étayée, faut-il rappeler, sur les théories d’un des plus farouches théoriciens libéraux et chef de file de l’économie de l’offre, Arthur Laffer en l’occurrence, qui a passé un séjour à la Maison blanche comme conseiller économique du Président Ronald Reagan. L’empreinte de Laffer et de sa fameuse courbe devenue l’évangile des politiques fiscales ultralibérales, qui spécule qu’après une hausse initiale, suite à une augmentation des taxes, les revenus ont tendance à baisser.
Ces politiques libérales, ne se sont pas cantonnées aux Etats-Unis, mais vont faire tâche d’huile sur le monde entier pour devenir la bible des politiques fiscales.
Ces politiques seront connues plus tard par la fameuse maxime « trop d’impôt tue l’impôt », qui sera la sérénade des apôtres des politiques fiscales libérales qui vont dominer le monde et devenir la norme et le dogme des politiques économiques publiques pour près de quatre décennies partout dans le monde.
Cependant, avec la grande dépression économique et financière des années 2008-2009, ces politiques fiscales vont devenir l’épicentre des critiques, des réquisitoires et des objurgations dans le monde. Plusieurs raisons expliquent cet infléchissement et cette virevolte annonçant, semble-t-il, le chant de cygne libéral dans le domaine fiscal :

– La première raison est imputable à la crise des finances publiques qui se matérialise par la montée déficits publics dans la majorité des pays. Le creusage des déficits publics et la montée sans égale de la dette publique sont le contrecoup de la baisse des ressources publiques qui sont à leur tour, imputables aux politiques fiscales néolibérales ayant accouché une réduction substantielle des impôts sur les hauts revenus et la fortune. Aussi, les politiques d’austérité libérale n’ont pas réussi à maîtriser et compresser les dépenses des Etats, ce qui s’est systématiquement traduit par une montée en flèche des déficits publics. Cette problématique des déficits et de l’augmentation des dettes publiques sont devenue des questions axiales des politiques économiques, singulièrement après la grande crise de 2008 et 2009.
A partir de cette date cruciale, Les Gouvernements à travers le levier des politiques économiques vont chercher à limiter les déficits publics et feront de la lutte contre l’évasion fiscale leur nouveau leitmotiv, abrogeant une ère de la baisse des impôts, chère aux sermonnaires de l’économie de l’offre, pour chercher à l’augmenter et à la renforcer.
– La seconde raison qui explique cette éclipse des politiques fiscales d’inspiration néolibérale est imputable à la montée fulgurante des inégalités sociales qui, depuis quelques années, sont devenues de véritables sources d’inquiétude et de crise de confiance dans les régimes démocratiques dans le monde. Ce « crescendo » des inégalités trouve ses germes dans les thérapeutiques fiscales néolibérales privilégiant les impôts sur les hauts revenus nourrissant par là des sentiments d’injustice fiscale. D’ailleurs, beaucoup de gouvernements commencent à revenir sur le dogme néolibéral qui a subjugué la scène fiscale depuis les années 80.
– La troisième raison derrière la stigmatisation des politiques fiscales néolibérales est relative à la montée des critiques de la société civile contre l’évasion fiscale. Le fameux scandale de 2016 dénommé « Panama Papers » révélé par le journal le Monde, en collaboration avec 108 médias internationaux, partenaires du Consortium international des journalistes d’investigation, ne montre-t-il pas la grande évasion fiscale du siècle et la nébulosité des circuits financiers mondiaux et ce en mettant les pleins phares sur le monde taciturne de la finance offshore et des paradis fiscaux comme le Panama ou les îles Vierges britanniques.

La conjonction de ces 3 mobiles concourt vers un même faisceau de réprimandes à l’encontre des politiques fiscales libérales et la montée d’une « revanche » fiscale qui est en gestation dans beaucoup de pays du monde.
Les revendications des gilets jaunes, en France, sur l’annulation de l’ISF, ne sont-elles des signes d’une quête à la péréquation fiscale ? Quoique le Président Français refuse de revenir sur l’une de ses principales promesses de campagne, le Gouvernement Macron est en train d’étudier les différentes options et scénarios pour taxer de plus en plus les grandes opulences, à travers, notamment, un accroissement de la ponction des hauts revenus et les droits de succession.
Cette requête de l’équité fiscale n’est pas intrinsèque aux pays Européens, elle bouillonne la législature bicamérale du Gouvernement Fédéral du Congress aux USA : La justice fiscale est au menu des programmes des candidats aux primaires du parti démocrate. Ainsi, Berne Sanders vient d’émettre des recommandations fiscales pour imposer une taxe de 45% sur les successions qui dépassent les 3,5 Millions de $ et de 77% pour celles dépassant le Milliard de $. Historiquement, cette proposition est un retour aux taux appliqués par l’Administration Américaine en 1976. Aussi, la sénatrice du Massachusetts, Elizabeth Warren, soutien un impôt sur la fortune de 2% sur les 75 000 familles dont la fortune est supérieure à 50 Millions de $ et de 3% pour celle dont la fortune dépasserait le Milliard de $. Alexandria Ocasio-Cortez, du parti démocrate, plus connue sous son l’acronyme AOC, a proposé des impositions plus radicales avec une taxe de 70% sur les 16 000 Américains qui gagnent plus de 10 Millions de $ par an. Selon des études économiques, ces propositions fiscales permettraient de mobiliser 250 Milliards de $ par an, ce qui représenterait 25% du déficit du budget des USA.
Au total, tous ces développements ne sont-ils pas évocatoires et expressifs d’une bifurcation radicale et d’une révolution fiscale à venir en disjonction avec l’héritage néolibéral du début des années 80 ?
On ne peut pas appréhender cette obscuration des politiques fiscales de l’économie de l’offre en dehors des grandes métamorphoses globales que le monde traverse sur le plan politique et social faisant de l’égalité entre les couches sociales, une revendication majeure pour recomposer l’ordre démocratique.

On ne peut pas comprendre, in fine, ce crépuscule des politiques néolibérales à l’extérieur de la riposte à une globalisation ayant distillé des inégalités sociales sans précédent enfantant un fossé abyssal qui se creuse de plus en plus entre des riches comme Crésus et des pauvres comme Job