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Le Maroc est-il une économie concurrentielle et libérale en 2017 ?

by Mustapha Maghriti

Adam Smith est souvent considéré comme l’auteur allégorique et le pape du libéralisme qui incarnerait la foi dans les vertus du marché et s’ensuit tout une ruée de disciples et de courant libéral, néolibéral et ultralibéral, qui à l’en croire, le libre jeu des mécanismes du marché conduit à une situation d’optimum économique et que la liberté économique améliore aussi la situation des plus démunis, les libéraux considèrent que la métaphore d’Adam Smith la « main invisible » permet d’améliorer la situation de tous.
Cette liberté économique est définie comme l’absence de toute capacité de coercition ou de contrainte de la part du Gouvernement sur la production, la distribution ou la consommation de marchandises et de services au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger et maintenir la liberté des citoyens. La liberté économique est censée favoriser la productivité et la croissance économique, en exhortant l’esprit d’entreprise et la création de valeur ajoutée. 
La fondation Américaine The Heritage Foundation publie chaque année son étude annuelle « Index of Economic Freedom ». Faut-il rappeler que cet indice a été créé en 1995, selon une approche inspirée du père fondateur du libéralisme Adam Smith, dans son fameux ouvrage « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », à savoir que « l’existence d’institutions élémentaires préservant la liberté des individus à se consacrer à leurs propres intérêts économiques garantit une prospérité plus importante de toute la société dans son ensemble. Elle est mesurée à travers des indicateurs répartis en quatre catégories, qui sont elles-mêmes divisées en douze sous-catégories équi-pondérées qui sont : Autorité de la loi, taille du gouvernement, efficacité réglementaire et l’ouverture des marchés. Plus une économie est estimée être libre (indice composite proche de 100), mieux le pays est classé par les auteurs de l’étude.
Qu’en est-il de la liberté et du libéralisme économique au Maroc en 2017 ?

Dans son 23ème édition, le classement de la fondation Américaine « The Heritage Foundation » dans son étude annuelle « Index of Economic Freedom » publié en début de ce Mois de Février 2017 sous le titre « Promotion des opportunités économiques et renforcement du pouvoir de l’individu et de la prospérité », fait apparaître que sur un panel de 186 pays, le Maroc, avec un score de 65,1, se positionne à la 86éme place dans l’indice de la liberté économique, soit +0,2 par rapport à l’édition précédente. 
Le Royaume se retrouve bien loin devant ses riverains d’Afrique du Nord. Le pays du Jasmin occupe le 123éme rang, tandis que l’Algérie se classe à 172éme place avec une note de 61,5 contre 61,3 l’année dernière. Le Maroc arrive à la 9éme place au niveau de la région MENA juste avant la Tunisie, le Liban, l’Égypte, l’Iran et l’Algérie.
L’Ile Maurice, le Botswana et le Cap-Vert sont les économies les plus libres en Afrique, selon l’indice qui mesure des critères tels que la protection des droits de propriété, la taille de l’Etat, la politique budgétaire et monétaire et la lutte contre la corruption.
Sur les aspects positifs, l’investigation de The Heritage Foundation salue le Maroc sur son engagement en faveur des réformes économiques galvanisant un secteur privé qui évolue de façon dynamique ». Le point fort, selon la fondation Américaine, réside dans un marché ouvert où le niveau des libertés commerciales, financière, et d’investissement est élevé. 
Aussi, le commerce est important dans l’économie marocaine. En effet, la valeur des imports-exports pris ensemble correspond à plus de 81% du PIB, constate l’enquête qui est un outil heuristique pour les chercheurs, les enseignants et aux étudiants, mais surtout qui donne une visibilité pour les décideurs politiques, le milieu des affaires, du business et la finance. 
En sus, les investisseurs domestiques et étrangers sont souvent traités de façon égale par la loi, en l’occurrence la charte de l’investissement promulguée en 1995 et qui est, faut-il le rappeler, sujet à un recalibrage , à la redéfinition de son contenu et l’adoption de nouvelles mesures de soutien et d’incitation à l’investissement
Toutefois chaque médaille a son revers, le sondage de l’Institut Américain accuse le marché du travail d’une grande inexorabilité et considère qu’un large tronçon de la force de travail est marginalisé à cause d’une régulation inflexible du travail, et recommande de mettre en œuvre des réformes plus conséquentes. 
Par ailleurs, avec une note de 71,7, la charge fiscale globale est égale à 22,0% du produit intérieur brut. Au cours des trois dernières années, les dépenses publiques, les déficits budgétaires et la dette publique se sont élevés à, respectivement, 31,9%, 4,8% et 63,7% du PIB.
De surcroît, « Les procédures de création et d’enregistrement d’une entreprise privée ont été simplifiées ces dernières années grâce à la fluidité des Centres Régionaux d’Investissement CRI. Cependant, en dépit de certaines améliorations, la rigidité du marché du travail continue de détourner la croissance dynamique de l’emploi », détaille le Think tank Américain.
De telles réglementations rigides continuent de rendre les coûts de transactions et les coûts d’entrée au marché inhibitoires aux PME qui, au regard des barrières réglementaires, n’ont pas d’autres choix que de se noyer dans l’océan de l’informel.

Certes, il y a eu des gains modestes en matière de libertés économiques (liberté fiscale, liberté du système financier et du commerce), néanmoins ils ont été annihilés par le recul de l’État de droit et la recrudescence de la corruption. En effet, l’organisme américain pointe du doigt le problème du respect de la règle de droit : Le think tank de l’Uncle Sam considère « que le pouvoir judiciaire n’est pas indépendant, que les fonctionnaires commettent des pratiques de corruption en toute impunité » et que « la corruption est un problème grave dans l’ensemble du gouvernement et de l’application de la loi ». De ce fait, même si le Maroc a adopté une politique de réforme du secteur privé, le progrès reste tributaire de la volonté du Gouvernement d’affronter plusieurs défis urgents, en particulier la primauté du droit.
Outre plus, les critères sur les droits de propriété, l’intégrité du gouvernement et l’efficacité judiciaire ne sont donc pas bien notés puisque « Le système judiciaire est inefficace et sujet à des retards », note le rapport. Autant dire une contreperformance très inquiétante surtout lorsque l’on se rappelle que plus un pays est impartial politiquement et économiquement, plus il est prospère.
Cet excès d’iniquité et d’arbitraire ne fait que consolider l’économie de rente, la spéculation, le déficit d’investissement, le manque de concurrence, et la corruption.
Friedrich Hayek, grand sectaire du libéralisme et un invétéré de l’économie du marché, dans « La Route de la servitude », n’a-t-il pas dit que « La justice n’a pas à considérer les conséquences des diverses transactions, mais à vérifier que les transactions elles-mêmes ont été loyales. ». Loyal envers lui-même et envers son peuple, le Souverain Marocain Mohammed VI, dans le discours royal, à l’occasion de l’ouverture de la nouvelle année législative du 14 Octobre 2016, n’a-t-il pas mis les pleines phares sur les nombreux cas de lenteur des procédures judiciaires et de la non-exécution des jugements déjà rendus, notamment dans les affaires qui mettent l’investisseur au regard de l’administration ? 

Il est temps que l’exécutif prochain culbute avec ces constantes et infuse un nouveau souffle à l’économie marocaine : celui de plus de liberté économique, ce qui passe inéluctablement par la redéfinition de ses missions dans le cadre d’un nouveau concept de développement stimulant aussi bien l’offre que la demande, par le cloutage de l’état de droit non seulement en concrétisant l’impartialité de la justice, mais aussi en institutionnalisant l’orthogonalité entre le business et le politique et en remettant à plat le cadre réglementaire régissant les marchés des facteurs de production et du climat des affaires pour plus d’initiative entrepreneuriale et plus de compétitivité. In fine, Feu Driss Benali n’a-t-il pas dit que le marché n’est pas un état de nature, mais un état de culture ? Défrichons-nous cette culture !

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