Le destin a voulu que deux économistes meurent ce même jour du 23 Mai, deux économistes qui partageaient un même dénominateur commun : Exception économique et économie d’Exception, d’une part un économiste Marocain Feu Aziz Belal à qui on a rendu hommage avec une chronique, d’autre part, le mathématicien américain John Nash.
John Nash Prix Nobel d’économie en 1994 est mort dans un accident de voiture lui et sa femme Alicia, comme ce jour du 23 mai 2015, aux Etats-Unis. Il était âgé de 86 ans. Sa femme est également décédée dans cet accident, qui a eu lieu sur une autoroute du New Jersey, sur la côte Est des Etats-Unis. Tous deux ont été éjectés du taxi dans lequel ils se trouvaient et dont le chauffeur a perdu le contrôle. Il rentrait, en effet, tout juste de l’aéroport après avoir reçu en Norvège le prix Abel, à Oslo, des mains de Harald V.
La vie trépidante de John Nash a été portée au grand écran par une incarnation majestueuse de Russell Crowe dans le film culte « Un Homme d’exception » ou « Beautiful Mind » réalisé, en 2001, par Ron Howard à partir du livre « Un cerveau d’exception » de Sylvia Nasar.
Pour beaucoup, le nom de Nash est associé à un résultat mathématique qu’il a découvert et exposé à 21 ans dans son doctorat à l’université de Princeton et qui concernait la théorie des jeux : Son mémoire de thèse, soutenu en 1950, sur les jeux non coopératifs détaillait déjà la définition et les propriétés de ce qui allait par la suite s’appeler l’équilibre de Nash. Il s’agissait alors d’une toute jeune branche des mathématiques en plein essor depuis les travaux de John Von Neumann et Oskar Morgenstern exposés en 1944 dans une somme impressionnante intitulée Théorie des jeux et du comportement économique (Theory of Games and Economic Behavior).

Il faut souligner, dans cette chronique, que la thèse de Nash n’a été que seulement de 27 pages et une bibliographie à deux références : c’est ce qui peut suffire pour obtenir le prix Nobel et être l’un des plus grands mathématiciens du 20ème siècle.
En tout et pour tout, l’œuvre scientifique de Nash tient en une cinquantaine de pages. Cela peut sembler étonnant, tant les thèses actuelles doivent être longues (et citer une cohorte de prédécesseurs en bibliographie…) mais c’est la marque du génie. Les concepts de Nash ont irrigué toutes les branches de l’économie notamment les relations économiques internationales, mais aussi la biologie, la stratégie militaire.
Ce mathématicien de génie souffrait de schizophrénie paranoïde, une maladie mentale qui allait le contraindre à être plusieurs fois interné dans des hôpitaux psychiatriques tout au long de sa vie : En 1958, les symptômes de sa maladie se font sentir : John Nash est admis au McLean Hospital en avril-mai 1959 où il subissait les traitements les plus terribles de la psychiatrie de l’époque. Le film ne montre-t-il pas les séances d’électrochocs ? Le pire traitement que Nash ait subi est probablement la thérapie de choc à l’insuline. Cela consistait en une surdose massive d’insuline, qui provoquait chez lui un coma diabétique.
Après des séjours difficiles à Paris et à Genève, Nash entre à Princeton en 1960. Il fait des séjours réguliers à l’hôpital jusqu’en 1970 et occupe un poste de chercheur à la Brandeis University de 1965 à 1967 et ne publie rien pendant trente ans.
Sa santé mentale ne s’améliorera que très lentement. Son intérêt pour les mathématiques ne lui est revenu que très progressivement, ainsi que sa capacité à raisonner logiquement. Les années 1990 ont permis d’assister à un retour de son génie, desservi par un esprit très affaibli où il obtient en 1978 le prix de théorie John Von Neumann pour ses découvertes sur les équilibres non coopératifs.

Ses travaux sur la théorie économique des jeux, la géométrie différentielle et les équations aux dérivées partielles lui ont valu le Prix Nobel d’économie en 1994 qui lui a été décerné des mains de Lloyd Shapley, camarade d’université à Princeton, qui a obtenu le Nobel d’économie en 2012.
Ses travaux ont été publiés dans trois articles :
– « Equilibrium Points in N-person Games », dans Proceedings of the National Academy of Sciences (1950),
-« The Bargaining Problem » dans Econometrica (avril 1950),
-« Two-person Cooperative Games » dans Econometrica (janvier 1953).
Russell Crowe qui avait campé le rôle du mathématicien, a rendu un grand hommage aux disparus sur Twitter, se disant «sous le choc». «Mes pensées vont à John et Alicia et à leur famille. Ce fut une collaboration extraordinaire. Des esprits d’exception, de très grands cœurs», écrit-il.
In fine, la vie de Nash fut souffrante et productive : Il nous a légué un trésor de connaissances et un patrimoine heuristique immortel. Et c’est avec une profonde émotion et une reconnaissance sincère que nous nous inclinons devant sa mémoire et lui rendons cet humble hommage.