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Le deuil de la candeur

by Mustapha Maghriti

Aujourd’hui, près de 2­­60 millions d’enfants travaillent dans le monde, dont plus de 170 millions dans des conditions perfides. Par ailleurs, chaque année, plus d’1 million de ces mômes seraient victimes de la traite d’êtres humains. Faut-il rappeler que le travail des gamins fait référence à tout travail qui les exhérède de leur enfance tout en portant préjudice à leur santé physique et mentale et entravant leur bon développement personnel et psychologique.
En Amérique du Nord et en Amérique Latine, les enfants sont victimes de la prostitution pour assouvir l’appétit pervers des touristes, et sont de plus en plus exploités par les trafiquants de drogue.
En Europe, des enfants sont enlevés, servant de main d’œuvre bon marché ou approvisionnant les réseaux de prostitution qui foisonnent en Europe de l’Est.
Au Maroc, le travail des mouflettes n’est pas un épiphénomène. C’est une réalité saignante vécue au quotidien par une grande frange de la population enfantine. En effet, plus de 69.000 gosses continuent d’être concernés par ce fléau social, selon les derniers chiffres publiés par le Haut-commissariat au plan (HCP). Ce nombre reste toutefois en deçà de la réalité ; Il avoisine les deux millions d’enfants si l’on prend en compte les innocents qui, tout en fréquentant l’école, exercent en parallèle un travail, ceux dont le travail n’est pas déclaré, et ceux qui s’acquittent de tâches ménagères durant au moins quatre heures par jour.

Selon la même enquête sur l’emploi réalisée par le HCP, 1,5% des angéliques âgés de 7 à moins de 15 ans travaillaient, contre 9,7% en 1999. Le problème reste singulièrement pléonastique dans le milieu rural, où 62.000 naïfs travaillent, contre 7.000 en milieu urbain. Le phénomène dévore davantage les garçons (60,1%) que les filles (39,9%) où les fillettes domestiques (petites bonnes) en majorité dans le milieu urbain sont des migrantes rurales, analphabètes ou d’un niveau scolaire faible. 
Les mobiles de mise au travail de ces candides sont la pauvreté(où le salaire est empoché par les parents), la non-scolarisation, et le minuscule revenu des familles dont elles sont issues. Récemment, l’intervention des intermédiaires ou médiateurs dans l’embauche attise davantage ce fléau et exaspère encore la vulnérabilité des plus jeunes. 
La servitude à laquelle s’attelle ces mineures au quotidien n’est pas sans risque : Avec plus de 32 heures de travail par semaine en moyenne ( chiffre révélé par le HCP), la difficulté des tâches et les conditions affligeantes de travail fécondent de moult problèmes tels que le vieillissement précoce, la malnutrition, la dépression, la dépendance aux drogues,……….. etc.

Ces crédules, issus de milieux déshérités, de groupes minoritaires, ou enlevés de leur famille, ne bénéficient d’aucune protection. Les employeurs font le nécessaire pour les rendre complètement indécelables et de pouvoir ainsi disposer d’une mainmise sur eux. Ces pigeons travaillent dans des conditions serviles et ignominieuses, tympanisant tous les principes et droits fondamentaux de la nature humaine.
Par ailleurs, en termes de projection du devenir de cet impubère, un enfant qui travaille ne pourra pas suivre une scolarité normale et sera voué à devenir un adulte analphabète n’ayant aucune possibilité d’évoluer dans sa vie professionnelle et sociale. Dans certains cas, le travail des immaculés nuit aussi à leur dignité et à leur moralité, notamment lorsqu’il s’agit d’activités à des fins obscènes. De surcroît, un enfant qui travaille sera davantage exposé à la maltraitance. Ces puretés sont très souvent victimes de violences physiques, mentales, et sexuelles.

La représentante de l’UNICEF Regina De Dominicis, n’a-t-elle pas citée dans un communiqué sévère que le travail des enfants, quel que soit leur âge, les prive de leurs droits d’éducation, à la protection, à la participation, au développement et à la santé, comme il les expose à différentes formes de vulnérabilité économique et sociale et à différentes formes d’exploitation . 
la majorité à la Chambre des représentants, faisant litière des avis du Conseil national des droits de l’Homme et du Conseil économique social et environnemental, a présenté des amendements ( conditionné l’autorisation des bonnes de 16 et 17 ans d’exercer dans les maisons par le consentement par écrit et dûment légalisé à l’arrondissement de leurs parents ou tuteurs) mais sans interdire le travail des mineures.

En pleine discussion législative sur la question, l’UNICEF a rappelé au gouvernement et aux parlementaires marocains leurs devoirs en matière d’âge légal de travail pour les enfants, qui doit être fixé à 18 ans, une mesure qui ne fait qu’effleurer une réalité plus crue, puisque ce sont les petites mineures de 8 à 12 ans qui sont les plus demandées par les employeurs au Maroc. 
Elles se réveillent à l’aube et ne se couchent que très tard le soir. Elles ne dorment toujours que d’une oreille, prêtes à anticiper les besoins des membres de la famille dont elles ne font pas partie. On les reconnaît à leurs mains de petites vieilles. Des paumes ridées, usées, élimées, meurtries, à force de nettoyer, astiquer, éplucher, porter. Les visages semblent plus âgés, empreints d’une immense lassitude. Les regards plus durs. Mais ces bras-là, ces visages, sont bien ceux de fillettes de sept ans. Epineux d’imaginer la souffrance et le martyre derrière ces yeux baissés et ces épaules voûtées.
Seule une paupérisation extrême doublée d’une grande ignorance peuvent pousser des parents à se séparer de leur enfant, le livrant aux mains d’inconnus.
Les députés du PJD, RNI, MP et PPS ont demandé d’excommunier le travail des domestiques mineures pendant la nuit ou de porter des objets lourds. Mais qui sera l’organisme habilité à s’assurer du respect des engagements des employeurs ? La question reste posée.

Certes, l’école joue un grand rôle dans la réduction du nombre des enfants qui travaillent, mais tant que l’on n’a pas résolu le problème à la source de la pauvreté et des revenus des ménages, tout l’effort ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau. In fine, l’Etat Marocain, même en ratifiant la convention de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), qui interdit le travail des enfants de moins de 15 ans, ne peut jamais appliquer à la lettre, ni lutter contre toutes les formes d’emploi des mineurs et ils restent en guise épilogue trop jeune pour mûrir et trop jeune pour mourir.

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