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L’Argent ne dort jamais ou le Boom des Fusions&Acquisitions au temps du Covid-19

by Mustapha Maghriti

L’argent ne dort jamais, le titre semble dévier  l’imaginaire des cinéphiles vers le film culte “Wall Street: Money Never Sleeps” d’Oliver Stone incarné magistralement par le trio Michael Douglas, Shia LaBeouf et Josh Brolin. Il n’en est rien, il s’agit des grandes opérations jamais réalisées en bourse aux USA et en Europe par les gourous de la finance. En effet, en raison de la crise sanitaire du coronavirus et au moment où le monde dissèque et disserte de la chlorose de la croissance économique et de la panne de la globalisation économique, les dynamiques de fusions acquisitions Internationales ne cessent de proliférer et les concentrations économiques n’ont jamais été aussi importantes.

Pièce à conviction en est, jamais les appétits d’acquisition insatiables n’auront été aussi enflammés qu’en début 2021, alors que se pointent les premiers signes de sortie de la crise pandémique : Plus de 1.770 Milliards de dollars de deals ont été signés dans le monde entre début janvier et fin avril 2021, en atteste l’agrégateur de données financières Refinitiv. Un record, proche de ceux de 2007, qui correspond à une hausse de 124 % en un an. Une frénésie d’achats tirée par les USA (plus de 1.000 Milliards de dollars), ou le mariage de deux géants dans l’automobile entre PSA et Fiat Chrysler, dans le ferroviaire avec Alstom et Bombardier.

Au niveau de la structure des F&A, c’est l’industrie IT qui a le vent en poupe malgré la crise sanitaire. Les transactions mondiales ont totalisé la somme de 243,37 milliards de dollars au 4e trimestre 2020 d’après GlobalData, soit une augmentation de 12,5% par rapport au trimestre précédent.

Dans la répartition entre les différentes régions du monde, l’Amérique du Nord est en tête avec un total des transactions annoncées au cours de la période s’élevant à 121,92 milliards de dollars.

L’Europe, qui occupe la seconde place du classement (suivant la valeur des transactions), voit l’ensemble de ses transactions s’élever à 85,61 milliards de dollars, suivi par l’Asie Pacifique qui comptabilise un total de 31,41 milliards de dollars de transactions.

Selon le rapport de GlobalData, le premier pays en termes d’activité de fusions et acquisitions au quatrième trimestre 2020 était les États-Unis avec 680 transactions, suivis du Royaume-Uni avec 159 et de la Chine avec 115. A noter que les États-Unis arrivent en tête de liste en termes de valeur de transactions à 117,97 milliards de dollars soit plus de 96% du montant total de la région Amérique du Nord.

Aussi, cette tendance ne se cantonne pas au seul créneau de la communication et de l’IT ; on la retrouve dans d’autres niches économiques dont l’industrie automobile, l’industrie pharmaceutique, ou l’industrie agroalimentaire. Cette dynamique nourrit une course au gigantisme et à l’acromégalie en dépit d’un climat tumultueux de la croissance économique.

Plusieurs facteurs expliquent ce mouvement de fusion & acquisition au sein de l’économie globale : 

-Le premier est d’ordre économique et constitue une réplique rationnelle aux grands groupes économiques et financiers et à la faible croissance via un accroissement de leurs parts de marché, 

-Le second facteur est d’ordre technologique et explique également ces rapprochements avec de grands groupes traditionnels qui prennent le contrôle des start-up dans les nouvelles technologies, 

-Le troisième est d’ordre politique où derrière cette course aux fusions de la part des géants mondiaux qui s’inquiètent de l’insatiabilité des mastodontes financiers chinois qui arrivent sur les grands marchés avec une force de frappe financière sans égal et parviennent à prendre le contrôle de quelques fleurons de l’industrie européenne ou américaine,

-Le quatrième est d’ordre fiscal : Les fusions-acquisitions internationales enregistrées, sont imputables à des reconfigurations d’entreprises, notamment à des transferts de domiciliation fiscale.

Ce phénomène a été singulièrement manifeste aux États-Unis et en Europe, où plusieurs entreprises multinationales ont conclu des mégatransactions pour transférer leur domicile fiscal dans des pays où l’impôt sur les sociétés est plus faible et où les bénéfices mondiaux ne sont pas imposés.
Cette omnium au gigantisme distille et secrète une véritable rivalité sur un marché relativement limité provoquant une surenchère sans précédent sur les débouchés économiques et financiers. Ainsi, les sommes déboursées par les grands groupes sont estimées entre 20 et 40% supérieures à la valorisation des entreprises achetées. 
En sus, dans moult cas, les fondamentaux ne sont guère respectés et les retours sur investissements restent visiblement en deça des moyennes exigées pour ce type d’investissement.il s’agit tout compte fait d’une concentration économique de nature particulière qui s’inscrit dans une stratégie défensive dont le dessein est de faire face à une croissance des débouchés et ce à travers une augmentation des parts des marchés.

Faut-il souligner que le souci financier est loin d’être la première préoccupation dans cette course au gigantisme mais il s’agit plutôt de cimenter et resserrer les positions et les parts de marché des grands groupes traditionnels, particulièrement dans un contexte jalonné par l’appétit des groupes asiatiques et surtout chinois.

Cette stratégie de fusions & acquisition est d’autant plus lubrifiée par des mécanismes et des conditions de financement laxistes : Le boom d’acquisition des années 2000 a été financée par les fonds de private equipty et les LBO qui répondent bien à un modèle de financement très particulier où l’exigence d’un très bon retour sur investissement est essentielle. Or, cette nouvelle vague bénéficie des politiques monétaires expansionnistes et des taux d’intérêt bas qui prévalaient dans la plupart des pays développés permettant par là aux grands groupes de franchir le rubicon et d’opérer leurs investissements en escomptant que l’effet taille contribue à l’amélioration de la rentabilité de ces investissements.

Tout compte fait, en dépit d’un contexte économique fébrile et d’une croissance atone marquée par la pandémie du Covid-19, les grands groupes continuent à foisonner et font de la course au gigantisme le moyen de renflouer leur rentabilité et de préserver leurs parts de marché. Toutefois, cette effervescence et cette forte concentration du pouvoir économique motionne au plus haut point les responsables politiques. Les dirigeants Américains n’ont-ils pas appelé les régulateurs à observer attentivement ces évolutions et à mettre les réglementations nécessaires à même d’éviter la formation de monopoles qui seront à l’origine de dysfonctionnements de marché qui peuvent avoir des effets pervers sur les consommateurs ?

Ainsi, au moment où la croissance est morose, les inégalités à leur apogée suscitant lassitude et désespoir, les mastodontes et financiers continuent leur quête d’expansion. De telles attitudes n’appellent-ils pas les pouvoirs démocratiques à une plus grande vigilance afin que la liberté économique ne détruise pas les deux autres piliers des sociétés démocratiques : la justice et l’équité ?



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