La polémique sur la langue d’enseignement au Maroc resurgit après la circulaire du Ministre de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, Chakib Benmoussa où la langue de Shakespeare sera enseignée en tant que langue étrangère en première année de collège, et ce, dès la rentrée scolaire de 2023-2024 ; une polémique certes moins aigue et plus soft que celle de 2019 où les partis politiques glissèrent dans des olla-podrida arides, desséchées, voire populistes et sournois dans la mesure où le Maroc a toujours offert un paysage vernaculaire où langues nationales et langues étrangères se partagèrent un territoire à travers lequel se manifestèrent des tensions politiques, historiques et culturelles. Des clichés latents persistèrent que le Français est une langue de l’ancienne puissance coloniale ou la langue sociale d’acculturation pour paraphraser le linguiste Algérien Jlil Elimam.
L’approche de Chakib Benmoussa est foncièrement stratégique et courageuse, puisqu’elle ambitionne à offrir aux jeunes Marocains un nouveau Bow-window extraverti puisque sa présence est assez notoire dans le tissu socio-éducatif et économique de l’économie mondiale et sa maîtrise est devenue une compétence indubitable dans les grilles de sélection des ressources humaines dans les entretiens d’embauche et une rivale de taille sur le marché de l’emploi national et mondial. Toutefois, l’approche du Ministre de l’Éducation nationale est loin d’être ségrégative étant donné qu’il ne s’agit nullement d’une politique de substitution linguistique, mais d’une politique d’enrichissement, n’en déplaise aux guérilleros de la langue de Molière.
D’emblée, nous pensons qu’à l’heure de la globalisation et du développement sans précédent de l’économie cognitive, l’ouverture sur les langues étrangères est plus que jamais un « Must » pour tirer profit des acquis de l’essor économique et technologique, en particulier la langue Anglaise.
En sus, Il ne faut pas voir dans la langue d’apprentissage un simple outil de lexique, mais surtout une courroie de transmission de connaissances, de science, et de progrès. Faire de cet idiome un objet d’un enjeu idéologique qui oppose des arabo-islamistes aux défenseurs de la modernité doublée d’une question sur la légitimité politique et culturelle, c’est rater du premier coup le train de l’économie du savoir.
Dans cette chronique, nous invoquons qu’il existe une dialectique entre notre langue et les autres langues dans la mesure où la langue Arabe s’enrichit à partir des langues étrangères et le fait d’enseigner les matières scientifiques n’affecte en aucune manière notre identité Marocaine, Arabe et Musulmane comme le prétendent certains gourous des partis politiques Marocains.
Apprendre et enseigner en langue Anglaise est un moyen de préparer l’apprenant à poursuivre ses études supérieures, que ce soit au Maroc ou à l’étranger, avec succès et arrimer l’étudiant Marocain au tempo de la globalisation.
Avouons-le : Ça fait plus de 40 chandelles que le Maroc a adopté la langue Arabe dans l’enseignement des matières scientifiques depuis le primaire jusqu’au baccalauréat. Un état de fait qui a engendré une véritable entorse et dualité linguistique entre l’enseignement secondaire et supérieur où ces matières sont dispensées en langue étrangères, principalement le Français et l’Anglais.
Pour mémoire, notre système éducatif n’-a-t-il pas bien fonctionné selon une séquence vertueuse et ce en privilégiant le qualitatif sur le quantitatif pendant des décennies et avec des résultats probants ? Ce faisant, on ne réinventera pas la roue : Tous les pays qui se développent ou qui se sont développés procèdent ainsi avec une dose plus ou moins forte d’ouverture sur les langues étrangères. Tel est l’enjeu de l’utilisation de la langue Anglaise.
Soyons donc clairs, débattons à visage découvert sur l’avenir de notre école et sa place dans le projet sociétal qui convient à notre pays à l’heure actuelle et futur.
Soyons sincère et clair, je pense qu’à l’heure actuelle, la langue Anglaise est l’idiome sémantique qui permet à des démographies des 4 coins de la planète d’échanger et de communiquer, éludant de ce fait les cloisons linguistiques et culturelles. Ainsi, de la mélodie au cinéma en filant par la philosophie et la science, l’Anglais a su perforer les murailles politiques et économiques et s’ériger imperceptiblement en langue omnipotente. Une omnipotence linguistique qui s’est fortifiée commodément sur une obédience économique et géopolitique, celle de l’empire British dans un premier temps, puis celle de l’Uncle Sam.
Elle est devenue la lingua franca et la langue de sciences par excellence et assimiler cette langue par les élèves et les étudiants Marocains leur permettra d’exceller grâce à des rapports, des thèses, des ouvrages, des sites qui sont dans la plupart rédigés en anglais.
Soyons carré, la langue Anglaise n’est plus celle d’une connotation des Trente Glorieuses, du Rock à l’Elvis et Beatles, ou du Spaghetti Western des films fétiches et cultes tel « Le Bon, la Brute et le Truand » de Sergio Leone et Clint Eastwood ou « Il était une fois dans l’Ouest » de Charles Bronson, d’Henry Fonda et Claudia Cardinale. Elle n’est plus ce faciès qui incarna les fringues à la Jean Levi’s 501, elle est devenue la langue des sciences, du Marketing, du Management et du know-how.
La langue de Shakespeare est largement pratiquée dans le monde de l’entreprise et dans les sphères scientifique, technologique et économique, c’est la langue de la finance internationale, du business, du commerce international et du tourisme.
Dans le monde de la digitalisation économique et de l’intelligence artificielle, 80 % des données existantes sont en langue Anglaise, ainsi que le sont une grande majorité des publications scientifiques (95 %). De ce fait, en assimilant l’Anglais, l’étudiant Marocain accédera à un nombre illimité de ressources économiques, techniques et heuristiques.
Aussi, l’anglais est l’une des compétences les plus demandées sur le marché de l’emploi ; elle est la plus sollicitée par les employeurs, les promoteurs et les investisseurs étrangers. A ce titre, elle permet d’accéder à des postes à plus haute responsabilité, de développer sa carrière et son entreprise. C’est la langue du Business et des Affaires Internationales
Historiquement, à l’ère du rayonnement de l’empire Arabo-Musulman au 7éme et 8éme siècle, je pense que les occidentaux étaient habiles et intelligents en apprenant la langue Arabe : La langue du Saint Coran et du Paradis était la langue des sciences par excellence à cette époque et de ce fait, les occidentaux savaient pertinemment l’enjeu de l’apprentissage de la langue Arabe pour accéder aux travaux scientifiques de Jabir ibn Hayyan, Al-Khwârizmî, Avicenne, Rhazès, Al-Battani, Ibn al-Haytham, Al-Fârâbî….etc. N’est-il pas le cas pour la langue de Shakespeare aujourd’hui ?
En sus et paradoxalement, nous constatons, depuis plusieurs années, la langue de Molière connait un certain retrait et les responsables Français intègrent de plus en plus la langue de Shakespeare comme langue d’apprentissage pour ne pas rater le train de l’économie cognitive. Même la Chine très conservatrice et confucianiste, qui est entrain devenir la première puissance économique mondiale intègre la langue Anglaise dans toutes ses universités et dans les manuels d’étude.
En guise d’épilogue, les apostrophes qui interpellent notre système éducatif aujourd’hui : Sommes-nous pour une école qui assure une réelle parité des chances, qui garantit une formation de qualité, une école ouverte sur son environnement international, une école ouverte compétitive et attractive, une école qui contribue à l’émancipation de l’esprit et au développement de la créativité, une école qui anticipe les contraintes économiques et technologiques du futur pour préparer les élèves et étudiants à cette nouvelle donne en leur imprégnant les méthodologies didactiques, pédagogiques et scientifiques pour exceller sur notre patrie et sur d’autres cieux ?
Tergiversant entre une définition de la langue comme vecteur identitaire ou comme outil économique du savoir, le Maroc a privilégié l’approche économique et non identitaire, en tablant sur l’Anglais et ce en suivant la logique du besoin du marché de l’emploi amplement anglophone et francophone pour atténuer le déphasage particulièrement préjudiciable entre la langue de l’apprentissage et les exigences de l’offre du marché.
In fine, « Une langue vous place dans un couloir de la vie. Deux langues ouvrent vous ouvrent toutes». Cette citation, pour épiloguer cette chronique, de Frank Smith résume avec poésie les vertus d’apprendre une nouvelle langue. Si vous sautez le pas, de nouveaux horizons, tant sur le plan professionnel, académique que personnel, s’offriront à vous. Grâce à une bonne maîtrise de l’Anglais, ces opportunités ne se cantonneront plus seulement au Maroc et » Les limites de votre langue ne seront plus les limites de votre monde » pour paraphraser Ludwig Wittgenstein, car vous allez vous dépassez, et ouvrir votre cercle de confiance et de savoirs et de facto, il n’y a que les langues qui puissent ouvrir le champs de votre vision et votre savoir et apprendre une nouvelle langue, c’est découvrir une nouvelle culture, un nouveau savoir et une nouvelle compétence car comme disait Goethe » Celui qui ne connaît pas les langues étrangères ne connaît rien de sa propre langue ».