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Fuite de capitaux et Confiance: Quelle symbiose ? Quel impact ?

by Mustapha Maghriti
Le Team Saâdeddine_El_Othmani n’a-t-il pas, in fine, reconnu le rush de l’échappée des capitaux vers d’autres Eldorados ? Pour preuve, l’opération d’amnistie, alias contribution libératoire ne fait-elle pas le comeback à l’occasion du projet de loi de finances 2020 ?
Faut-il rappeler, en guise de prologue, que la fuite des capitaux désigne la partie du revenu échappant au circuit économique en raison de l’épargne, de prélèvements obligatoires ou d’importations. On discerne deux types de fuite des capitaux :
· La fuite brutale de capitaux à la suite d’une crise financière dans un pays ou une zone économique : les investisseurs craignent de perdre une partie du capital investi et retirent leurs investissements,
· La fuite de capitaux liée à l’expatriation volontaire des contribuables jugeant qu’ils n’ont pas à s’acquitter du paiement de leurs impôts dans le pays quitté.
A cela s’ajoutent les flux financiers illicites, par le biais par exemple du transfert de liquidités ou la contrebande.
Au Maroc, rétrospectivement, en 2014, le Gouvernement Benkirane Saison I avait relevé ce phénomène de fuite de capitaux suite à une armada d’articles de presse sur les différents médias Marocains faisant état d’une évasion financière de plus de 43 Milliards de Dollars placés par des Marocains dans des banques étrangères. Il s’ensuivait une clémence annoncée par le Team Benkirane à travers la publication de la circulaire de l’Office de Changes, le lundi 4 Février 2014, concernant les conditions d’application de la disposition de la Loi de Finances 2014 instaurant une amnistie sur les biens et avoirs détenus illégalement à l’étranger, une amnistie qui a renfloué le budget de l’Etat d’une manne financière de plus de 28 MMDH en contribution libératoire.
Dans la vie, comme en économie, les jours se suivent et se ressemblent, rien n’a changé depuis l’amnistie de changes de 2014, puisque les nantis Marocains continuent à recourir à la volte-face des capitaux nonobstant un arsenal dissuasif en passant pas des sanctions pécuniaires, jusqu’aux voies privatives de liberté.
L’apostrophe qui nous interpelle, quelle est la raison de cette désertion de capitaux ?
La réponse réside dans un facteur purement psychologique, indépendant du seul calcul raisonnable qui est la confiance, un facteur dont John Maynard Keynes a consacré un large chapitre sur les déterminants de l’incitation à investir et des anticipations à long terme des entrepreneurs dans son fameux ouvrage « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt de la monnaie », ouvrage qui marqua un tournant majeur dans la pensée économique et participa à l’essor de la macroéconomie dans l’après-guerre. Un facteur Confiance qui s’est fortement avarié au fil de plusieurs décennies : Historiquement, la fuite des capitaux a été remarquée avec l’arrivé du Gouvernement Socialiste au pouvoir connu sous le nom du Gouvernement d’alternance ELYoussoufi qui a tenu le gouvernail de l’exécutif Marocain en 1998. Ce même mouvement de fuites de capitaux vers des paradis fiscaux a été décelé en France avec l’arrivée du Gouvernement socialiste François Mitterrand en 1981.
Dernièrement, depuis plus deux années, le blocage politique du Gouvernement Benkirane dans sa saison II percuté en 2017 a laissé des stigmates sociaux et économiques : Les citoyens Marocains ne se sentaient pas prémunis et immunisés par un Gouvernement vigoureux à même à assumer ses responsabilités dans les grands dossiers politiques, économiques et sociaux. Les prises de bec partisanes, la déportation et la relégation des priorités des Marocains au second plan par les partis politiques avide de pouvoir, a attisé des émotions et des pressentiments d’incertitude et d’insécurité.
D’ailleurs, c’est à cette période de statuquo, que non seulement, le facteur capital qui commença à s’enfuir, mais aussi le facteur travail où beaucoup de citoyens Marocains, essentiellement issue de la classe moyenne, commencèrent à s’envoler vers d’autres ciels, mômes et avoirs financiers avec. Une telle crise de confiance conjuguée à une absence de visibilité ont poussé une autre couche sociale, celle des plus fortunés, à chercher d’autres coffre-fort plus alcyoniens et plus sûrs pour leur trésor et leur opulence. D’ailleurs, sur le sol Marocain, plus de 17 MMDH qui se sont gazéifiés des banques ne sont pas que le fruit du recours à la thésaurisation, qui, elle aussi, est un corollaire de ce manqué de confiance.
En général, en Afrique, la fuite des capitaux vers d’autres cieux est alimentée par le foisonnement des juridictions pratiquant la discrétion bancaire à travers des paradis fiscaux qui permettent de transplanter et de camoufler les capitaux illicites. Il peut s’agir de revenus issus du détournement des exportations de ressources naturelles, de l’évasion fiscale, de la corruption, des prix de transfert et de la contrebande pure et simple du capital en dehors des pays africains.
Un document d’une Organisation Non Gouvernementale ONG qui milite pour la transparence des économies mondiales révèle que le Maroc a perdu plus de 37 Milliards de Dirhams durant la période allant de 2006 à 2015, soit 3,9 Milliards de Dollars alors qu’entre 2004 et 2013, ce montant déserté était de 41 Milliards de Dollars.
Selon ce rapport, sur un panel de 149 pays, le Maroc a été classé 34éme dans la nomenclature des pays par fuites des capitaux. Les surfacturations restent la principale technique utilisée par les évadés fiscaux où le but est de payer moins de frais de douanes afin de pouvoir blanchir l’argent gagné lors des transactions dans des investissements ou dans le lancement des commerces.
La Suisse reste la destination de prédilection des évadés fiscaux Marocains où chaque année, 1 à 2 Milliards de Dollars en moyenne quittent incognito le Maroc pour aller se dérober en Suisse ou d’autres paradis fiscaux, selon le Boston Consulting Group.
En outre, une autre étude du Global Financial Integrity (GFI) qui porte sur la période 1970-2008 classe le Maroc en quatrième position avec 25 Milliards de Dollars en termes de volumes, après le géant pétrolier Nigérian en tête du classement avec 89,5 Milliards de dollars, suivi de l’Egypte (70,7 Milliards), de l’Algérie (25,7 Milliards), et de l’Afrique du Sud (24,9 Milliards).
Avec 854 milliards de dollars qui ont échappé le continent Noir, l’Afrique aurait pu, non seulement, rembourser sa dette extérieure (qui était de 250 Milliards à fin 2008), mais aussi injecter 600 Milliards de Dollars dans des programmes de lutte contre la pauvreté et de développement économique et social. L’Afrique subsaharienne demeure créditrice nette vis-à-vis du reste du monde, dans la mesure où le stock des capitaux ayant évadé le sous-continent demeure excédentaire dépassant de loin le stock de sa dette extérieure.
Faut-il rappeler, que c’est un secret de polichinelle que la fuite des capitaux constitue une entrave rédhibitoire à la fluidité de l’épargne et à la mobilisation des ressources financières destinées à l’investissement. Des simulations de la Banque mondiale estiment que chaque réduction de 40.000 dollars en fuite de capitaux se traduit par un décès infantile supplémentaire en Afrique. Ainsi, cette évasion de « quibus » déchaînerait plus de 77.000 décès de nourrissons supplémentaires par an. De ce fait, la fuite des capitaux n’est donc pas seulement de la truanderie financière, mais elle occasionne, en sus, des pertes de vies humaines.
Cette bataille contre la fuite des capitaux devient de plus en plus épineuse par la vulnérabilité des capacités de supervision technique et administrative des autorités étatiques, la limite des contrôles bancaires qui ne s’effectue souvent que sur documents, la carence des capacités de contrôles des services douaniers et fiscaux et la corruption qui nécrose encore certaines administrations malgré la compagne de lutte contre la corruption à travers l’Activation depuis novembre 2017 de la Commission nationale de lutte anticorruption (CNAC) .
Cependant, cette fuite continuelle de capitaux ne serait pas une létalité si l’on ne fait pas preuve de réactivité et de pro-activité, en revivifiant la confiance, la sécurité et la sûreté par des faits probants et non par des souhaits qui restent de simples intentions.
Comme dit le dicton ancestral Marocain, une seule main ne suffit pas à applaudir : A l’évidence, les services douaniers et fiscaux ne peuvent à eux seuls réduire ce fléau quelle que soit leur volonté. Pour tenter d’enrayer le phénomène, il faut s’attaquer à ses origines et nos aux symptômes. Comme dit la maxime économique anglaise « Capital is a coward » qui veut dire que le capital est un lâche; il va là où il est le bienvenu, il reste là où il est bien traité. Comme j’ai appris dans notre cours d’économie monétaire de notre professeur Monsieur TAZI LABZOUR, Mohammed Kamal à la FSJES Rabat-Agdal que la monnaie fiduciaire circule sur la base du fiducia en latin qui veut dire confiance. De ce fait, la monnaie, l’argent ou le capital cherche les zones économique de confiance, elle fuit l’insécurité, la mauvaise gouvernance, la taxation excessive, la corruption, la partialité de la justice et l’instabilité en général. Autant de chantiers qui nécessitent bien plus de simples enquêtes des inspecteurs de l’Office des Changes.
La confiance et la crédibilité ne sont-elles pas des mobiles, en filigrane et en catimini, de la tergiversation, et la pusillanimité des hommes d’affaires Marocains ? Ce qui met d’actualité économique la célèbre citation de William Shakespeare « À qui peut-on faire confiance dès qu’il s’agit de l’Argent ? »
C’est dans ce sillage et eu égard aux distorsions évoquées ci-haut qu’il faut inscrire l’action d’urgence qui doit être portée sur la confiance pour redorer son blason en rupture avec les accumulations négatives issues des approches unilatérales, partielles, ainsi que partiales et redonner crédit à la crédibilité auprès du milieu des affaires et des promoteurs économiques, car dans une économie de marché jalonné par la crise économique qui sape et mine actuellement toutes les économies, les facteurs les plus importants et le sésame à l’investissement sont : L’optimisme, la transparence et la Confiance.
Si Charles de Gaule disait « Rétablissons la confiance et l’intendance suivra », j’en mettrai la main au feu en disant : « Rétablissons la justice et l’investissement suivra ». L’actuel Gouvernement réussira-t-il à rétablir et la confiance tout en lui insufflant âme pour qu’elle soit âme sœur de l’Investissement ?

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