Home Non classé Accord de libre Echange Rabat/Ankara : Les dessous économiques de la pomme de discorde

Accord de libre Echange Rabat/Ankara : Les dessous économiques de la pomme de discorde

by Mustapha Maghriti
Adam Smith est souvent considéré comme l’auteur emblématique et le pape du libéralisme qui incarnerait la foi dans les vertus du marché et de l’ouverture commerciale, qui à l’en croire, le libre jeu des mécanismes du marché et de la levée des barrières commerciales conduit à une situation d’optimum économique et que la liberté économique améliore la situation des pays libre-échangistes conceptualisé à travers sa fameuse théorie des avantages absolus. Qu’en est-il dans la réalité ?
Il n’en est rien. Pour preuve, le Maroc compte amender et replâtrer l’ensemble des dispositions de son accord de libre-échange avec la Turquie scellé en 2006.
Faut-il souligner, dans cette chronique, que l’ensemble des réactions relatives à l’accord de libre échange Maroc/Turquie ont été l’œuvre des seuls acteurs économiques et aucune position officielle de l’Exécutif Marocain n’a été observée comme c’est le cas avec la dernière sortie médiatique du Ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie verte et numérique qui a fait le buzz durant plus de 2 semaines.
En effet, selon le Ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie verte et numérique, l’ALE avec Ankara est asymétrique et bénéficie plus à l’économie Turque qu’à celle du Maroc qui enregistre des pertes annuelles estimées à plus 2 Milliards de dollars.
Le textile demeure le secteur le plus affecté par ledit Accord qui se matérialise par une chronicité du déficit de la balance commerciale où les importations des produits textiles en provenance de ce pays immolent l’industrie et les postes d’emploi au Maroc.
Ces ripostes contre l’asymétrie de cet ALE ne datent pas d’aujourd’hui : Rétrospectivement, en 2013, lors d’une visite officielle de Tayyip Erdogan et d’une importante délégation économique Turque, la Confédération Générale des Entreprises au Maroc (CGEM) avec à sa tête Miriem Bensalah-Chaqroun n’a-t-elle pas boycotté cette visite en signe de désapprobation contre les pratiques commerciales de la Turquie lors du Gouvernement Benkirane ?
Ne fut-il pas également le cas en 2018 avec la pression exercée par l’Association Marocaine des Industries du Textile et de l’habillement (AMITH) sur le gouvernement actuel ?
Comment peut-on expliquer une telle position de l’exécutif Marocain au regard de cet ALE Maroc/Turquie ?
– Primo, il y a lieu de mettre l’accent sur l’argument économique: Certaines marques turques portent préjudice à d’autres franchises et marques Marocaines en dépit de l’augmentation de la taxation sur les produits turcs puisque le Maroc ne peut manipuler le levier douanier en vertu de l’Accord bilatéral de libre échange.
Ces enseignes Turques éludent cette hausse de la TVA en délocalisant leurs usines dans d’autres pays. Ainsi, les intérêts des industriels Marocains se trouvent en fulmination. Ceci d’autant plus que l’essentiel des échanges avec la Turquie se cantonne sur deux secteurs traditionnels qui sont l’alimentaire et le textile.
De ce fait, le commerce international entre le Maroc et la Turquie est assurément asymétrique ; un tel déséquilibre se concrétise par la détérioration de la balance commerciale. En effet, selon les données de l’Office de Changes, les Exportations Turcs ont totalisé 21,5 Milliards de DH en 2018, soit quatre fois leur valeur de 2006. De lors côté, les exportations Marocaines vers la Turquie n’ont pas cessé de dégringoler de 20% par rapport à 2017 et de 25,7% par rapport à 2016 pour atteindre seulement 5,5 MMDH à fin 2018.
Aussi, depuis l’entrée en vigueur de l’accord en 2006, le déficit commercial est passé de 4,4 milliards à 16 Milliards de dirhams en 2018.
– Secundo, l’autre argument est géostratégique du Maroc avec l’UE et les pays du Golfe : Notre pays entretient de bonnes relations diplomatiques avec ces pays qui ne voient pas d’un bon œil le rôle joué par la Turquie au Moyen-Orient et en Méditerranée. Ce contexte pourrait donc bien impacter les relations économiques Maroco-turques.
Le Maroc, devant l’ALE procéda jusqu’à présent à l’augmentation des taxes et à la levée des exonérations sur les importations de textile, et ne peut agir sur les droits de douane puisqu’il est lié par l’accord bilatéral avec la Turquie et que celle-ci peut déposer plainte auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce, ce qui serait préjudiciable au Royaume et à son image de marque vu que l’OMC y est née en 1995 à la cité ocre Marrakech
Les marges de manœuvre du Maroc sont très limitées. C’est pour cela que le Ministre Marocain de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie verte et numérique avait menacé de rompre l’ALE entre Rabat et Ankara.
Face à une telle situation, le Maroc et la Turquie ont convenu de réviser l’actuel accord de libre-échange pour un commerce équitable lors d’une déclaration conjointe publiée à l’issue d’une réunion d’affaires tenue en marge de la 5éme session de suivi de l’Accord de libre-échange Maroc-Turquie ce 15 Janvier 2020.
Les investissements turcs doivent être encouragés au lieu des importations turques vers le Maroc qui sapent l’économie Marocaine à travers la perte d’emploi.

You may also like

Leave a Comment