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L’Espagne respire au Maroc : les raisons géostratégiques du rétablissement diplomatique

by Mustapha Maghriti

Feu Hassan II n’a-t-il pas utilisé la célèbre métaphore pour définir le Maroc comme ” Le Maroc est un arbre dont les racines plongent en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe”.

Le chef de l’exécutif espagnol a fait sienne cette phrase de Feu Hassan II de façon pragmatique ; cette allégorie a été transposée par Pedro Sánchez  dans le contexte actuel du rétablissement des relations diplomatiques entre Rabat et Madrid et c’est   » l’Espagne, dont les racines plongent en Europe, qui respire au Maroc » : La récente reconnaissance par l’Espagne de l’initiative Marocaine d’autonomie du Sahara Marocain le Vendredi 18 Mars 2022 en est la meilleure pièce.

En sus, la visite du chef de l’exécutif Espagnol, à l’invitation du Souverain Marocain, jalonne le début d’une nouvelle ère de relations entre Rabat et Madrid, ainsi que la fin d’une profonde crise diplomatique.

Certes, la décision de lubrifier l’appareil diplomatique entre le Maroc et l’Espagne n’est pas spontanée, mais mûrement réfléchie par le gouvernement Espagnol et ce pour plusieurs raisons : 

Primo, l’Espagne sait opportunément que le Maroc est le point initial pour le trait d’union géostratégique entre le Mare Nostrum et l’Afrique à travers une vision Royale éloquente qui interpelle les Espagnols, Méditerranéens, aux Européens et les Africains.

– Secundo, l’Espagne appréhende congrûment les séquences vertueuses du Codéveloppement, de la coproduction et du partenariat, avec un pied au Nord (Europe) et un pied au Sud (Afrique) de leur chaîne de valeur industrielle. Cette stratégie ne permet-elle pas à Madrid, d’une part de bénéficier de la proximité géographique et culturelle, et d’autre part de la complémentarité entre des pays matures et vieillissants au Nord, et des pays jeunes et émergents au Sud ?

– Tertio, l’Espagne sait manifestement que la Chine délocalisera plus 85 Millions d’emplois manufacturés en Afrique, lui permettant de se positionner sur la rive sud de la Méditerranée pour approvisionner l’Europe. L’Espagne cible le Maroc, car il est le chemin vers les débouchés chinois.

Voilà pourquoi l’Espagne entend profiter de ce mouvement, tant ses richesses humaines et son abysse qu’il tisse avec l’Afrique, via le Maroc, lui attribuera un rôle géostratégique.

Ce premier chemin est d’autant plus pertinent pour engager le Maroc qu’il se croise avec un deuxième chemin Nord/Sud que Madrid veut construire avec l’Europe.

Le second chemin, en chantier, est vertical Nord/Sud : C’est celui du transport, de la logistique et du développement des provinces du Sud du Maroc qui doivent être enrichie de zones industrielles, de zones franches, de technopoles et de clusters industriels. Une Jonction en jachère qui raccordera  l’Afrique du Nord à l’Afrique subsaharienne en pleine effervescence économique. L’Espagne sait ag hoc que le terrain entre l’Europe, à travers l’Espagne et l’Afrique via le Maroc est toujours en friche.

L’Espagne sait assurément que l’axe Rabat-Madrid est l’axe structurel des relations entre le Nord et le Sud de la Méditerranée.

A cet égard, l’Espagne, en complémentarité avec le Maroc et ses partenaires de la rive Sud, est plus que jamais interpellée à peser dans la région méditerranéenne, notamment à travers l’Union pour la Méditerranée UPM qui, faut-il rappeler, est une organisation intergouvernementale qui regroupe 43 pays sur la base d’une co-présidence paritaire entre les rives sud et nord de la mer Méditerranée. Elle a été fondée le 13 juillet 2008, lors du Sommet de Paris pour la Méditerranée qui est destinée à renforcer les acquis du Partenariat euro-méditerranéen (Euromed) mis en place en 1995 sous le nom de Processus de Barcelone.

– Quinto, Madrid sait que le Maroc recèle d’énormes potentialités économiques, humaines et naturelles, pouvant être une véritable courroie de transmission de croissance et la dynamique économique pour l’Espagne et l’Europe.

Une tel vertu géostratégique impliquerait, de la part  de Madrid, une coopération plus engagée et plus cimentée, en synergie avec les prévalences de l’agenda  du Maroc, des pays du Sud et le durcissement de ses capacités d’action dans cet espace régional, tout en fédérant le rôle du Maroc en tant que protagoniste incontournable dans la reconfiguration de la Politique Européenne de voisinage.

Madrid pense, en terme dialectique, que la stabilité et la sécurité de l’Europe, de même que son redressement économique et productif, passent indubitablement par la stabilité et le développement du sud de la Méditerranée et de l’Afrique ; que la prospérité du Maroc est liée à celle de l’Espagne et inversement, termes qui sont d’ailleurs utilisés dans la missive adressée au Souverain Marocain par le chef de l’exécutif Espagnol

A cet égard, il est impérieux d’ échafauder les conditions économiques et sociales à même d’accoucher de nouveaux modèles de dynamique économique, plus endogènes et durables qui seront altruistes et plus fructueux au Maroc à l’Espagne et à toute la région Sud-Méditerranéenne . Ceux-ci passent irréversiblement par la valorisation des potentialités du Maroc, de la rive du Sud, et ce en intronisant des investissements productifs porteurs de croissance, de revenus et d’emploi inclusifs à même d’assurer une insertion économique et sociale des jeunes du Maroc et de la ceinture Sud-Méditerranéenne. 

Aussi, la grande apostrophe de la promotion des valeurs cultuelles pour prémunir les jeunes de toute forme d’outrance et d’extrémisme ne doit-elle pas figurer dans l’agenda de Madrid ?  Avouons-le, Madrid  l’a bien pressentie, en se dotant d’une vision agencée sur des orientations visant la consolidation de la coopération régionale en Méditerranée, étayée sur la création d’opportunités économiques en faveur des jeunes. Cette orientation ne doit pas nous faire insinuer une vision fataliste et léthargique de la part du Maroc et des pays du Sud; ils doivent réaliser intrinsèquement leur propre “sueur” économique, sociale et politique en termes de réformes économiques, de gouvernance, de démocratie et d’État de droit en interpellant toutes les synergies en faveur de la croissance, l’inclusion et l’équité sociale. 

– Sexto, l’Espagne, qui se trouve confrontée à la question de l’immigration illégale, sait infailliblement que le Maroc est l’allié stratégique pour étancher ce fléau, et doit amener l’Europe à s’impliquer dans le processus de co-développement qui, en garantissant la prospérité en Afrique, limitera le flux migratoire.


La promotion d’une approche sécuritaire  régionale pour l’immuabilité de la paix et de la dynamique du développement n’appelle-elle pas à la prise en compte de toutes les dimensions stratégiques du Maroc,  du périmètre Sud-Méditerranéen et Africain ? 

Penser ainsi, le Maroc n’exige-t-il pas de concevoir cet espace non pas comme une région terne et effacée mais comme une interface dynamique et tangible, capable d’assurer la connexion et la mise en étroite relation des territoires qui l’entourent ? Reconnaissant le, l’Espagne  l’a bien appréhendée en faisant le pari de se réconcilier avec Rabat et l’ouverture sur son continent et ce en optimisant sa position géostratégique entre l’Afrique et l’Europe.

–  Ultimo, l’Espagne sait immanquablement que l’Afrique, de part en part du Maroc, est le continent de l’avenir, disposant de fortes marges de croissance durable. C’est le continent qui dispose d’une richesse d’atouts multidimensionnels qu’il convient de revaloriser au bénéfice du développement humain durable.

André Frossard n’a-t-il pas dit que “L’Europe cherche avec raison à se donner une politique et une monnaie commune, mais elle a surtout besoin d’une âme” ? Cette âme et sœur ne peut être que l’Afrique à travers le pont qui est le Royaume Chérifien du Maroc.

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