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Pression fiscale, équilibres politiques et sociaux : Quels liens ? Quelles accolades ?

by Mustapha Maghriti
L’existence de l’impôt a toujours posé la problématique de son acceptation. Maurice Hauriou l’un des pères du droit administratif français n’a-t-il pas disserté que les contestations du pouvoir fiscal et par suite de l’impôt, sont anciennes qui peuvent prendre la forme de révoltes collectives ponctuelles ? Cette question est plus que jamais présente aujourd’hui avec l’augmentation constante d’année en année de la pression fiscale qui est à l’origine de remous sociaux.
L’actualité économique, politique et sociale ne cesse de nous montrer les relations intimes et tumultueuses entre l’augmentation de la pression fiscale et les révoltes sociales ; elle est jalonnée d’épisodes de révoltes populaires suite à l’aggravation de la pression fiscale pour faire face aux crises des finances publiques.
Il y’a quelques Mois, la France vit au tempo des grondements de la contestation des gilets jaunes qui ne cessèrent de protester nonobstant de toute une batterie de mesures prises par l’Exécutif Macron et de son rétrogression sur quelques récriminations des manifestants et de sa décision d’ouvrir un débat national. Or, faut-il le rappeler, ce sont justement des décisions fiscales qui ont mis le feu aux poudres.
La première protestation a été enclenchée suite à une décision directe avec l’accroissement de la taxe sur les carburants. La seconde décision, plus ancienne, a été remise à l’ordre du jour par le mouvement des gilets et porta sur l’absolution de l’impôt sur la fortune et sa substitution par une imposition plus « Soft » du point de vue financier.
En dépit du refus de Macron de revoir sa révision de l’impôt sur la fortune, l’annulation de la taxe sur les carburants n’a pas pour autant convaincu les manifestants des gilets jaunes.
Cette osmose entre les politiques fiscales et les révoltes a été systématisée par deux sociologues, Issac Martin et Nadav Gabay dans des investigations et travaux empiriques dans leur article baptisé « Tax policy and tax protest in 20 rich democraties, 1980-2010 » et édité dans le British Journal of Sociology n°3 de l’année 2018.
Cet article palpitant revint sur des parenthèses importantes de l’histoire récente des grandes démocraties, en particulier sur les liens qui se tissent entre les révoltes et les rébellions politiques et sociales.
De telles épisodes devraient interpeller les économistes à  » dulcifier » une antique conviction conceptuelle, devenue une pratique de politique économique, surtout de politique fiscale.
Rappelons que Keynes et ses héritiers de l’économie politique, ont été convaincus que les impôts directs sont les plus anguleux et que toute pression additionnelle de l’impôt sur les revenus déchaînerait des remous politiques et contestations sociales.
En revanche, nous savons sciemment, depuis de longues années qu’un accroissement des impôts indirects est moins périlleuse du point de vue politique dans la mesure où ne ciblant pas de couches sociales particulières, elle est moins perceptible et plus ésotérique que discrétionnaire.

Or, cette investigation a remis en cause ce dogme en attestant qu’au contraire, ce sont les augmentations des impôts indirects qui ont été à l’origine des plus importantes dissidences au cours des dernières années.

Plusieurs argumentations ont été avancées par les deux sociologues, Issac Martin et Nadav Gabay pour corroborer cette hypothèse, en singulier lorsqu’il s’agit des taxes sur des biens et services particuliers ou lorsque le fardeau fiscal affecte un groupe social bien ciblé ou un produit particulier ou une industrie bien déterminée. Ces augmentations favoriseraient et attiseraient la structuration d’une rébellion sociale.

Les enseignements de l’histoire et les avancées théoriques montrent que la politique fiscale et les choix des priorités en termes d’imposition, pour accoler les dépenses et renflouer le budget de l’Etat, ne sont pas que des questions techniques/techniciens et qu’au contraire, il s’agit de choix foncièrement politiques qui ont des corollaires importants sur les équilibres sociaux et politiques. 
Historiquement, Jacques-Bénigne Bossuet alias « Aigle de Meaux » n’a-t-il pas demandé au prince de modérer les impôts et de ne point accabler le peuple car « qui presse trop les hommes excite à des révoltes et des séditions  » ?

De ce fait, la politique fiscale doit prendre particulièrement en considération quatre grandes prévalences :

– La première concerne l’efficience et l’efficacité où le levier fiscal doit chercher à cantonner la pression fiscale dont l’augmentation est de nature à dérober les acteurs de leur devoir fiscal et les activités formelles vers la contrebande et le secteur informel : « Trop d’impôt tue l’impôt » est manifestement réel comme disait le chef de file et le vétéran de l’école de l’offre Arthur Betz Laffer dans ce célèbre aphorisme économique.
– La seconde est d’ordre économique puisque l’usage de la fiscalité peut exhorter ou dissuader le milieu des affaires à investir dans activités économiques productives.
– La troisième est d’ordre social : La fiscalité peut favoriser la solidarité sociale en encourageant la redistribution du produit social.
– Enfin, la fiscalité doit contribuer à la réécriture du contrat social en mettant l’accent sur la question de l’équité et la justice entre les couches sociales.
Au-delà du débat entre les différentes écoles, notamment entre l’école de la conception d’individualiste de l’impôt et l’école de la conception du devoir social du pouvoir fiscal ou de l’impôt et en en dehors des manipulations techniques, nous pensons que la politique fiscale contribue à l’édifice et au « building » du lien social en cimentant la solidarité et en favorisant l’équité et l’égalité au sein des sociétés modernes.


De ce fait, la fiscalité ne constitue-t-elle pas, n’en déplaise à certains gourous à sa dimension technique et comptable, un moyen incontournable au rétablissement des grands équilibres politiques et sociaux ?

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