
Je me souviens très bien quand j’ai été en 1ére année du Premier Cycle à la Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales Rabat-Agdal que notre Imminent Professeur d’économie politique Monsieur Omar Kettani nous annonça, en plein cours magistral, la nouvelle comme une bombe, dans le fameux amphithéâtre 1 à l’annexe » Maghreb ALKABIR », au cours de notre cours d’Economie Politique, que le Mur de Berlin a été chaviré comme un château de cartes, le jour du 9 au 10 Novembre 1989, le Mur de Berlin, emblème d’un monde bipolaire, long de plus de 160 kilomètres, haut de 3,60 mètres, incrusté de 290 miradors, et surveillé par 14 000 gardes-frontières, échafaudé depuis le 13 août 1961, segmenta la ville de Berlin en deux et incarnant avec force la Guerre froide, sombra sous les yeux des Berlinois illustrant l’effondrement du bloc Soviétique.
Quelques Mois avant la détonation du bloc soviétique en Europe centrale, en 1989, Francis Fukuyama, à l’époque conseiller de l’administration Reagan, publia dans la revue « The National Interest » un article qui fit sensation : La fin de l’histoire ? Il y prédit la mort de l’utopie communiste et l’avènement d’un consensus universel autour de la démocratie libérale et de l’économie de marché.
L’ouverture de l’Union des républiques socialistes soviétiques URSS avec la Perestroïka de Gorbatchev et la volonté des allemands de l’Est ont enterré irréversiblement cette période.
Avec la réunification, on assista à une manumission des peuples d’Europe, surtout en Allemagne de l’Est qui emmanchait une réunification progressive et globale du vieux continent, via l’Union Européenne où des milliers de Berlinois de l’Est et de l’Ouest entrent dans l’histoire en ascensionnant les forteresse de béton, s’engouffrant dans les restreints points de transit de la frontière et s’attaquant au Mur de Berlin avec des burins et de marteaux. Les portraits de cet événement historique planétaire ont été diffusées dans le monde entier et resteront à jamais gravées dans les esprits.
Et s’ensuit la chute des régimes communistes dans plusieurs pays qui réclamèrent des avancées démocratiques rapides à l’instar de la République de Hongrie qui fut la première à déclarer son indépendance de Moscou fin Octobre. Les 17 et 18 Novembre, c’est la révolution de velours qui permit à la Tchécoslovaquie de s’émanciper. En Bulgarie, le stalinien Todor Jivkov doit accepter son succédané par un communiste plus ouvert, Petar Mladenov.
À Bucarest, Nicolae Ceausescu ne résista pas à la révolution Roumaine. Le 22 Décembre, alors que le chef du comité central présida une réunion au siège du Parti communiste, la foule envahit le bâtiment et le couple présidentiel s’enfuit par hélicoptère. les États baltes proclamèrent leur indépendance en Mars et Mai 1990. Plus encore au Sud, des opposants à Slobodan Milosevic embrasèrent la Yougoslavie. Ils contestèrent son despotisme et réclamèrent l’indépendance des républiques Yougoslaves.

Qu’en-est-il après 33 chandelles de la chute du mur de Berlin ?
Après 33 années de séparation, la réunification aurait coûté plus 2.000 Milliards d’Euros à l’économie Allemande, mais aussi avec un fardeau sur l’ensemble des pays de l’UE. Une facture colossale qui, 33 années plus tard, n’a pourtant pas permis à l’Allemagne de l’Est de rattraper sa circonvoisine après 45 années de communisme.
En effet, Dans le rapport annuel sur « le statut de l’unité Allemande », publié en 2018, les autorités du pays pointaient du doigt le très lent rattrapage des Etats fédéraux (Länder) de l’ex-Allemagne de l’Est.
33 ans après le krach du mur de Berlin, le taux de chômage et de la productivité connaissent encore des césures considérables : Alors que le PIB par habitant de la République Démocratique Allemande Ex-RDA représentait 43 % de celui de l’Ouest en 1990, le niveau des cinq Länder de l’Est atteignait 75 % de leurs voisins occidentaux en 2018.
Aussi, le chômage resta difficile à brider qui était l’un des principaux objectifs de la réunification. Pourtant, en 33 ans, l’Est n’a pas réussi à regagner l’Ouest en matière, notamment, d’emploi : Un Allemand de l’Est a plus de chance de se retrouver au chômage et moins de chance de grimper tout en haut de la hiérarchie dans les entreprises, les ministères et les universités.
En sus, le niveau de vie des Allemands de l’Est a certes studieusement augmenté depuis 1989, mais n’a pas rattrapé celui de l’Ouest. Le fossé de revenu entre les deux Allemagnes était à son maximum (à 4 432 euros par an en moyenne) au lendemain de la réunification, en 1991, puis s’est dégringolé jusqu’à 2 092 euros en 1997. Toutefois depuis le début des années 2000, il est pianissimo rehaussé pour effleurer les 3 623 euros en 2016. Pour toute la période couverte, l’écart des revenus a oscillé mais resta voisin de 20 %.

Immanquablement et vu le contexte économique et politique de l’époque, l’extension des deux Allemands a été une prouesse géopolitique pour les pays de l’Union même si les relations entre l’Est et l’Ouest accouchent encore frustrations, rivalités et malentendus. Alors que l’économique devait prendre le dessus sur le politique, c’est l’inverse qui se produit.
Aujourd’hui, l’aspiration à la liberté, qui fut si puissante en brisant le rideau de fer en 1989 n’a-t’-il pas débouché en Europe centrale sur le national-populisme et le repli identitaire ? La démocratie, pour laquelle les peuples se soulevèrent, ne recule-t-elle pas devant l’autoritarisme. De Berlin-Est à Bucarest, l’histoire de plus trois décennies écoulées est celle d’un amour déçu, d’un enthousiasme pour les valeurs occidentales s’est transformé en représailles devant les désenchantements et les désillusions.
Aujourd’hui, l’Allemagne et l’Europe canonisèrent les 33 chandelles de la chute du Mur de Berlin dans une homosphère indigeste, loin des espoirs nés de la fin du Rideau de fer après plus de trois décennies du rempart communiste. D’autant plus que le contexte politique en Allemagne est polarisé comme jamais suite à la poussée électorale de l’extrême droite anti-migrante, en singulier dans l’ancienne Allemagne de l’Est communiste qui déchiffre un hiatus politique persistant 33 bougies après entre les deux parties du pays. Le fascisme ne connaît-il pas un essor préoccupant avec la montée en puissance de l’AfD, due à ces clivages sociaux persistants entre l’Est et l’Ouest, se traduisant par la perte de vitesse de partis traditionnels comme le SPD, la CDU et la CSU ?
Manifestement, le 9 Novembre 1989, la muraille de la honte s’est ébranlée, néanmoins, le mur de la honte des inégalités entre les deux Allemands s’éternise. Certes, l’heure des forteresses et clôtures appartenait à l’histoire.
Toutefois les remparts des inégalités sont toujours d’actualité : L’alignement de l’Est avec celui de l’Ouest reste un processus flemmard ; sur certains aspects économiques, la démarcation entre les deux Allemagnes reste nettement tangible.
La faille politique et économique entre l’Est et l’Ouest plus riche du pays reste d’une brûlante actualité, en particulier avec le triomphe de l’extrême droite de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) dans l’ex-RDA. Angela Merkel n’a-t-elle pas dit que les tendances nationalistes et protectionnistes gagnent du terrain dans le monde ? Le message anti-élites et antisystème de l’extrême droite fait mouche à l’Est où nombre de « Ossis » (le surnom des anciens Allemands de l’Est) estiment être traités comme des citoyens de seconde zone.
Les acquis sociaux de l’Est, comme la compatibilité de la famille et du travail pour les femmes, la législation libérale sur l’avortementont été oublié, et les Allemands de l’Est ont aujourd’hui l’impression qu’ils n’ont pas eu le droit d’apporter leur pierre à l’édifice commun. Somme toute, l’anniversaire des 33 chandelles de la chute du mur de Berlin est assombri par toutes ces frustrations accumulées

Avec le recul, lorsqu’on voit le poids de l’Allemagne aujourd’hui et le déséquilibre que sa puissance économique crée en Europe, François Mitterrand n’avait-il pas raison de redouter la réunification? Le mur de Berlin n’était-il pas, in fine, qu’un épiphénomène découlant de l’empire du système capitaliste, qui n’a eu cesse de détrôner le camp socialiste ; son effondrement n’a-t-il pas servi de révélateur de l’hégémonie du capitalisme sur un échiquier mondial devenu unipolaire ? N’existe-t-il pas en guise de conclusion, un mur plus coriace que le mur de Berlin comme il a été déclaré par le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky : La guerre russe contre l’Ukraine n’a-t-elle pas montré l’existence d’un nouveau mur au centre de l’Europe, semblable à celui de Berlin ?